Thierry Zaboitzeff
50 ans de musique(s)
Thierry Zaboitzeff (cello, elb, voc, kb, samp, prog) + musiciens ayant accompagné son parcours depuis 50 ans (avec Art Zoyd, Aria Primitiva…).
Label / Distribution : WTPL Music
Jazz, pas jazz, la question est-elle vraiment là ? À l’écoute de ces quelque 3 heures et 40 minutes de musique minutieusement organisées en un coffret de trois CD, on se dit que l’essentiel est ailleurs. Là, dans cet espace assez indéfinissable mêlant des influences multiples (rock, musique classique, minimaliste ou électronique), où s’exprime un musicien insoumis depuis un demi-siècle. Une époque déjà lointaine mais toujours bien présente, commencée quand Thierry Zaboitzeff avait été l’une des chevilles ouvrières de l’aventure Art Zoyd aux côtés de son partenaire Gérard Hourbette. Un long chemin de plus de 25 ans suivi d’une autre expérience toujours en cours (dont nous nous étions déjà fait l’écho il y a quelques années à l’occasion de la parution du disque Aria Primitiva), plus solitaire souvent mais toujours hantée par la même pulsation venue des tréfonds (du cœur, de l’âme, du mystère de la nature et des humains). Pour dire les choses en quelques mots qui puissent cerner ce musicien pas comme les autres, on pourra évoquer « un autodidacte, multi-instrumentiste, un explorateur doublé d’un inventeur, celui d’un idiome de la traversée des « espaces inquiets » où, des profondeurs, peut surgir à tout moment une voix chantant dans une langue oubliée, enfant naturel de son cheminement créatif. On pourra aussi parler d’une musique de chambre contemporaine électro-acoustique, d’un rock technoïde où s’épanouissent basse, violoncelle, claviers, percussions, samples et autres cordes synthétiques » [1]. Il faut de surcroît rappeler que Thierry Zaboitzeff a mis son art au service de la musique bien sûr, mais aussi du théâtre et de la danse (souvenons-nous du Mariage du ciel et de l’enfer et de Roland Petit en 1985, ou de la mise en musique de films anciens : Faust, Nosferatu, Hâxan). Voilà donc un demi-siècle que l’histoire a commencé. Il était temps de la raconter, sans nostalgie aucune mais avec le souci d’en éclairer le cheminement.
C’est chose faite avec 50 ans de musique(s), une véritable somme, un tout longuement réfléchi dont la cohérence au fil des années atteste de la créativité de celui qui, jamais, n’a baissé les bras. Totalement impliqué dans ce qui s’apparente fort à une anthologie, Thierry Zaboitzeff n’a pas hésité, lorsqu’il le jugeait nécessaire, à réenregistrer certaines compositions, à revoir le mixage et le mastering de quelques autres. Bonne idée par ailleurs : il n’est pas tombé dans la facilité d’une sélection chronologique qui aurait pu présenter l’inconvénient de pointer du doigt de façon trop explicite une évolution au fil des décennies. Ici, la cohérence est dans l’agencement d’un long scénario animant couleurs et timbres, variant les rythmes et les atmosphères, dans la construction d’un paysage entre ombre et lumière. Mais avec une passion indéfectible pour « une musique cérébrale sans doute, mais puissamment charnelle ».
Vous entendrez peut-être, tout au long de 50 ans de musique(s), les échos plus ou moins lointains de Bartók, Stravinski, Ligeti, voire Bach en même temps que les influences, plus électriques celles-là, de quelques formations hâtivement rangées dans la case du rock progressif. Mais en réalité, vous plongerez, en totale immersion, dans le monde singulier de Thierry Zaboitzeff. Cherchez bien, il n’y en pas d’autres comme le sien. C’est une vraie aventure, une fresque humaine tout autant que musicale.