Chronique

Benjamin Sanz

The Escape

Benjamin Sanz (dms), Rob Clearfield (p), Luc Fattorini (b), Ricardo Izquierdo (ts), Hermon Mehari (tp).

Label / Distribution : Mirr

Après Mutation majeure paru sur Archieball, le label d’Archie Shepp (c’était il y a neuf ans), Benjamin Sanz revient en quintet pour une échappée tonifiante qui traduit avec beaucoup de conviction l’énergie que le batteur consacre à faire vivre un jazz aux couleurs résolument hard bop. On devine que ce jeune musicien ne prétend pas bouleverser le cours de cette musique, mais qu’il est avant tout animé par le désir de creuser encore et encore son sillon et de la célébrer d’une manière qu’on peut qualifier de fervente. Pour mener à bien cette nouvelle échappée – le disque a pour titre The Escape – Benjamin Sanz a constitué Directions, une formation internationale qu’on présente par commodité comme représentative de « la nouvelle scène du jazz en France ». Et plutôt que de se perdre en conjectures sur le sens d’une telle formule qui ne veut pas dire grand-chose, on préférera citer les membres de l’équipe dont il est certes le leader, mais dans laquelle il ne se présente pas forcément aux avant-postes, préférant à l’évidence jouer la carte du collectif. On y trouve le natif de Chicago Rob Clearfield (piano), le Romain Luca Fattorini (contrebasse), le Cubain Ricardo Izquierdo (saxophone ténor) et Hermon Mehari (trompette) en provenance de Kansas City, par ailleurs associé à la réalisation artistique du disque.

Thèmes accrocheurs et enlevés (« The Escape », « KC », « The Optimist »), groove tenace (« Awakening »), swing souple (« Love Song »), moments marqués par le recueillement (« Farewell » en hommage à Sunny Murray, l’un des mentors de Benjamin Sanz), ballades basculant subitement vers un jazz plus free (« Cosmic Beings ») et même incursion vers un jazz vocal aux intonations soul (la deuxième version de « KC » avec Julia Haile, chanteuse de Kansas City) : les nuances sont multiples et les musiciens jamais en manque d’inspiration lorsqu’ils prennent la parole. Mention spéciale à Hermon Mehari, en verve tout au long du disque, et à Rob Clearfield, d’une assise à toute épreuve par son jeu ample et une main gauche ferme. On aura compris que Benjamin Sanz n’en rayonne que plus facilement, lui le pourvoyeur d’une pulsion qui guide l’ensemble autant qu’elle l’illustre et le soutient par ses couleurs polyphoniques. The Escape est un disque qui coule de source, fiévreux et serein à la fois.

On pourra pour finir se réjouir d’une prise de son aux petits oignons qui laisse à nos oreilles le plaisir d’une écoute de chaque instrument dans la plus grande clarté. C’est l’occasion de saluer le travail de Christophe Sarlin et d’un orfèvre en la matière, un certain Philippe Teissier-Ducros, chargé du mixage et du mastering.