Chronique

Thomas Leuwers

Baishi

Alan Regardin (tp), Alexis Perisgan (tb), Axel Gaudron (bugle, d), Thomas Leuwers (eg), Olivier Laisney (tp), Jules Boittin (tb), Etienne Ziemniak ou Adrien Desse (d, tb)

Label / Distribution : Capsul Records

A l’origine en quartet, la formation Baishi, dirigée par le Tourangeau Thomas Leuwers, s’élargit en septet lors d’un enregistrement sur la scène du Petit Faucheux. Ajoutant deux cuivres supplémentaires (Olivier Laisney, trompette et Jules Boittin, trombone) à la trompette d’Alan Regardin et au trombone d’Alexis Persigan, une seconde batterie (celle de Axel Gaudron, également au bugle) vient doubler celle d’Étienne Ziemniak (ou d’Adrien Desse selon les sessions) qui tiennent aussi le trombone autour de la guitare électrique du leader. Compacte dans la variété de ses timbres, l’approche frontale de l’orchestre ne doit pourtant pas occulter un équilibre savamment entretenu entre des masses sonores qui s’entrechoquent avantageusement.

Se référant à la musique de Stravinsky comme au gagaku traditionnel japonais, Thomas Leuwers joue, de fait, avec les volumes les plus granuleux possibles qui sont la condition d’une construction aboutie. Trois entités viennent en effet se confronter, s’entremêler ou se compléter. Celle, d’abord, d’une fanfare hyper-contemporaine qui progresse inexorablement en rangs serrés sur des tonalités brutes et tendues. Laissant émerger quelques solistes fureteurs, elle fait pourtant bloc et occupe l’espace avec une volonté invasive qui assoit le collectif autour d’un centre de gravité bas.

Si l’abondance de cuivres ne nuit pas, ils ne sont pourtant pas seuls à mener la danse. À cet ensemble vient s’ajouter un débordement rythmique de la part des batteries venues d’un rock à frappes lourdes qui crée des effets de déstabilisation et de dynamique percutant les longs étirements des soufflants ; elles sont au besoin à l’affût, libérant de manière stratégique des énergies nouvelles. À l’articulation des deux enfin, la guitare joue un rôle changeant ; tantôt se rapprochant des uns, tantôt des autres, les lignes qu’elle trace serpentent avec une forme d’archaïsme mélodique en guise de contrepoint, voire d’échappée, face au primitivisme des cuivres.

L’intégralité du répertoire est conçue comme une succession de tableaux qui tiennent entre eux par un lien fort : l’occasion de plonger dans un geste musical méthodique et sensible qui transporte l’oreille vers un ailleurs atypique et fortifiant.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 11 mai 2025
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