Trio Now !
Live At Nickelsdorfer Konfrontationen
Tanja Feichtmair (as, voc), Uli Winter (cello), Fredi Pröll (dms)
Label / Distribution : Leo Records/Orkhêstra
En réclamant l’immédiateté jusque dans leur nom, les autrichiens de Trio Now ! font mieux qu’annoncer la couleur. Ils la déterminent. Enregistré live à l’occasion du Nickelsdorfer Konfrontationen, festival majeur d’Europe Centrale qui se déroule dans la pointe autrichienne située entre la Slovaquie et la Hongrie, ce disque est l’un des rares témoignages du travail de trois musiciens pourtant aguerris, à l’image du violoncelliste Uli Winter. Le leader du quartet Plasmic a par ailleurs souvent accompagné la saxophoniste Tanja Feichtmair, ici ou avec des figures comme Josef Novötny. Mais les disques sont rares. Trio Now ! a déjà publié chez Leo Records un album du même nom, remarqué mais plus sage. Il n’y avait pas l’urgence de ce concert, avec l’acidité mordante de l’alto qui profite, comme sur « High Voltage », de sa proximité de timbre avec le violoncelle pour prolonger un souffle étrange, empesé de silence mais prêt à exploser à chaque instant.
Car il ne faut pas croire que, puisque c’est ici et maintenant, tout est mené avec âpreté. Bien sûr il y a dans « The Magic Is Now », à écouter tel un manifeste, un flux et un reflux agressif. Les peaux tendues du batteur Fredi Pröll, magnifique d’équilibre, précipitent les choses et augmentent la pression sans faire céder les vannes. Le morceau est long - plus d’un quart d’heure - et l’instant est traité par les musiciens avec la patience d’un architecte. Lorsque l’alto se prend à tonner, c’est parce que la batterie enfle elle aussi. C’est affaire d’aplomb, et la saxophoniste n’en manque pas. Même si elle semble plutôt à la pointe du triangle, elle n’en revendique pas la direction. C’est pourtant elle qui a la tâche d’accélérer la cadence lorsque c’est nécessaire, quitte à donner de la voix, à l’image de « Susi », autre long morceau où son fracas et ses cris aiguillonnent l’archet de Winter.
Trio Now ! est résolument inscrit dans une forme de perpétuation d’un free européanisé, libertaire et farouche, qui plonge ses racines dans la musique d’avant-garde de la fin des années 60. La musique est appréhendée avec une grande rigueur, sans délaisser un chambrisme où l’économie de notes ajoute à la nervosité ambiante. Cette tension, à son maximum sur « Proximity » est progressive, étouffante, inéluctable. On la savoure pour chacune de ces raisons.