Chronique

Olivier Le Goas

Abstract

Olivier Le Goas (dms), Chloé Cailleton (voc), Geoffroy Tamisier (tp), Alban Darche (ts), Georgui Kornazov (tb), David Chevallier (g), Marc Buronfosse (b)

Label / Distribution : Rewind/Anticraft

Trois ans après le remarqué Sur le corps des klaxons où il s’entourait du guitariste David Chevallier et du contrebassiste Marc Buronfosse pour inviter Kenny Wheeler, l’élégant batteur Olivier Le Goas fait appel à cette même rythmique pour construire un septet aux allures de reconstitution de ligue dissoute. Avec lui quelques vieux briscards des balbutiements du label Yolk, à l’époque où les pochettes se paraient encore d’un jaune uniforme, à commencer par le saxophoniste Alban Darche, qui semble prendre ici beaucoup de plaisir à se fondre dans l’orchestre - on s’en aperçoit dès « Circle », où il se mêle à Georgui Kornazov au trombone et Geoffroy Tamisier à la trompette. Un premier morceau où l’on est ravi de retrouver la voix doucement acidulée de Chloé Cailleton ; un motif répétitif semble s’enrouler dans un mouvement perpétuel entre deux pôles, la batterie très coloriste faisant face à la robustesse poétique de Buronfosse pendant que le jeu toujours sec de Chevallier sert d’accélérateur de particules. Voilà le point de départ d’Abstract où l’instrument-voix de la chanteuse est un fil d’Ariane qui parcours les tréfonds oniriques d’une musique très écrite.

Depuis 1995 et leur première rencontre sur le continent américain, Kenny Wheeler a profondément marqué le batteur. Même s’il n’est pas présent, on devine çà et là sa silhouette. Un morceau comme « Radiance » l’évoque même avec force. Le cuivre éthéré de Tamisier, qui est au centre de l’orchestre, rappelle que le trompettiste partage avec le batteur une égale révérence pour le maître canadien. En 2001, Yolk publiait un G Meets K dont on retrouve ici quelque échos, notamment dans le jeu de timbres ciselé des soufflants et l’omniprésence de la voix. Cependant, l’approche plus pop de Cailleton introduit des reflets plus sucrés, qui ajoutent à cette dimension chimérique (« One For K »). On retrouve même, au cœur d’« Echoes Wind », les ruptures soudaines de Kornazov, qui répondent à Chevallier dans un bel équilibre des forces.

La musique de Le Goas a toujours accordé un soin particulier à la musicalité de la batterie, et les musiciens n’y manquent pas d’espace. Abstract est un voyage imaginaire en cinq tableaux qui s’achève sur une « Bright Ways And Dark Places Suite » contrastée où ils tanguent au gré des syllabes syncopées de la chanteuse et des rythmiques mouvantes du batteur, qui s’offre même quelques échappées solitaires. Cette atmosphère en clair-obscur définit admirablement un album séduisant.