Scènes

Un (Émile) Parisien à Cahors


On ne va pas vous faire des tartines sur le retour au pays de l’enfant prodig(u)e mais il faut bien le dire tout de même : ce 11 février 2011, Emile Parisien retrouvait l’auditorium du conservatoire de Cahors où il avait martyrisé ses toutes premières anches, haut comme trois pommes, il n’y a pas si longtemps que ça. Drôle d’expérience pour un musicien que de revenir jouer, auréolé de multiples distinctions, devant un public composé en partie - mais pas que - de parents, de voisins, d’amis d’enfance et… d’anciens profs.

Voilà, c’est dit. Reste que ce 11 février, à l’auditorium de Cahors, c’était un concert. Pas une réunion de famille.

Alors, un concert de l’Emile Parisien Quartet, c’est comment ?

Emile Parisien © Frank Bigotte

On pourrait commencer par ce que ça n’est pas. Ça n’est pas bien assis dans son fauteuil. Ça n’est pas familier, ni pépère, ni confortable. Ça n’est pas optimiste. Ça n’est pas pessimiste. Ça n’est pas consensuel. Ça n’est pas conflictuel. Ça n’a peur de rien. Ça ne fait pas peur du tout. Ça n’est pas triste, ni ennuyeux une seule minute. Je vais même vous dire : on rit beaucoup.

On rit ? C’est comique ? Non. Mais si, parfois. Faux départs, fausses codas, contre-pieds, coq-à-l’âne, titres à la noix, effets de disques rayés, surprises (a)tonales et harmoniques. Comme ça, au détour d’une phrase musicale ciselée, chiadée, au coin d’un développement lyrique. L’humour comme pour s’excuser de faire du beau.

Sylvain Darrifourcq © Frank Bigotte

Parce qu’ils font beau aussi, les bougres. Pas joli : beau. Le son, à commencer par le leader : superbe saxophone soprano, précis, « piqué » comme on dit chez les photographes - malgré des anches ce soir-là plus que rétives - et une variété de timbres hautement expressive qui nous fait entendre parfois une flûte (« Sopalynx »), parfois une zurna (« Requiem Titanium »), parfois… un soprano. Un contrebassiste, Ivan Gélugne, qui fait des prouesses sur la chanterelle et vire soudain growl, infrabasses et tout le tremblement. Un Julien Touéry dont le piano ne se contente pas d’avoir assimilé les maîtres - de Chopin à Kühn en passant par Messiaen, pour faire vite - mais trouve sa voix propre. Sylvain Darrifourcq, le batteur, dont on va dire - pour ne dire qu’une chose - qu’il joue des percussions comme un pianiste du piano : rythme, mélodie et harmonie liés.
Des choses hardies et réussies : un arrangement de Tristan und Isolde, il fallait oser. Cet unisson piano-soprano sur un ostinato à la Bartok (« Darwin à la Montagne »). De belles compositions, dégagées des formes canoniques, qui savent doser tension et… et… et… et… ? Ouf, résolution.

Bref. Quand au cours d’une heure trente vous avez successivement et dans le désordre levé le sourcil, souri, grimacé, écouté, ri, entendu de belles choses, été intrigué, séduit, surpris, embarqué, ému… que voulez-vous qu’il vous arrive de plus ? Un bis. Ce fut le cas. Un autre concert ? Bientôt.