Chronique

XOL

Exit to Now

Guy Bettini (tp), Luca Pissavini (b), Francesco Miccolis (dms), Harri Sjöström (ss, CD 1), Peter Brötzmann (ts, as, cl, CD2)

Label / Distribution : Improvising Beings

Il en est qui s’échinent à retourner vers le futur, d’autres s’acharnent à retourner vers l’éternité. Ceux qui surgissent ici font face et cherchent, quitte à se cogner aux murs, la sortie vers le présent. Vers l’instant. On ne sera pas surpris, dès lors, que ce soit le label Improvising Beings qui accueille ce trio italophone. XOL est composé du trompettiste suisse Guy Bettini, un familier de Sonny Simmons, et d’une base rythmique milanaise où le batteur Francesco Miccolis, actif sur de nombreuses scènes aux confins des styles musicaux, côtoie l’excellent contrebassiste Luca Pissavini qu’on a notamment pu entendre dans le Rara Avis de Ken Vandermark.

Un véritable trio free qui assume les fausses pistes et les dédales, les circonvolutions et les lignes directes ; il n’y a pas une route unique qui conduit à l’instant, et aucune n’est supérieure à l’autre. C’est pourquoi le trio a convié deux boussoles, sur des disques distincts. Le Finlandais suédophone de Turku Harri Sjöström, fidèle aux orchestres de Cecil Taylor depuis 25 ans et Peter Brötzmann qui emprunte un chemin qu’on lui sait coutumier. Deux disques, et deux approches collectives. Le trio s’adapte aux propositions de l’invité : avec Sjöström, les morceaux sont longs et très introspectifs, les cordes et la trompette sont des sédiments qui se superposent et donnent du relief (« öxö »). Avec Brötzmann, c’est nécessairement plus explosif, et Bettini chauffe à blanc la contrebasse de Pissavini, qui se cognent à de multiples objets, comme si entre le bois et l’archet elle était hérissée de shrapnels (« xolox »). XOL garde néanmoins le cap. Chaque morceau est une combinaison de lettres, tel un code d’accès qui bouclerait une quête qui consisterait à n’en avoir jamais vraiment fini.

Enregistrées dans le même club berlinois à un an de distance, les faces de cet album constituent un beau discours de la méthode. Pour arriver au même point, dans cet univers où l’on joue avec le feu à main levée, comme les illustrations du livret, on a loisir d’enfoncer toutes les portes et semer le chaos dans le crépitement de la batterie, comme c’est le cas lorsque le ténor de Brötzmann feule sur « moxolo », l’un des titres exutoires. On peut également s’insinuer et insister par vague, une inondation sournoise initiée par Sjöström et son soprano très lacyen sur « xöx ». Tous les chemins mènent à l’urgence lorsque le convoi est bien piloté. XOL cartographie parfaitement les pittoresques itinéraires secondaires.