Chronique

Sara Serpa & André Matos

Night Birds

Sara Serpa (voc), André Matos (g, b, perc), Dov Manski (kb), João Pereira (dms), Okkyung Lee (cello), Sofia Jernberg (voc)

Label / Distribution : Robalo

Il y a avec la chanteuse portugaise Sara Serpa une forte prégnance des images. Elle a enregistré de nombreux disques avec la légende Ran Blake autour du cinéma - quoi d’autre avec ce pianiste à la cinéphilie obsessionnelle -, et il y a toujours dans sa musique une vraie dimension cinématographique qui se retrouve dans la plupart de ses projets ; sa collaboration au long cours avec son compatriote guitariste André Matos, déjà dix ans, en témoigne. Chanteuse davantage concernée par le climat que par la performance, la psalmodie de « Carlos », où s’illustre le batteur João Pereira, dit tout de ce Night Birds : la chanson n’est pas articulée, et l’instrument-voix exclut toute forme de narration. On se promène dans des atmosphères où l’étrangeté a toute sa place, avec ce qu’il faut d’abstraction (« Night Birds » où l’on retrouve également la chanteuse Sofia Jernberg).

André Matos, de son côté, se charge des nappes, qui agissent comme un brouillard réconfortant, ou de la température générale ; il faudra un « Counting » où les seules paroles sont des chiffres pour qu’avec le claviériste Dov Manski ils se rapprochent d’une chanson plus incarnée, aussi fugace que pleine de mystères. Jernberg et Serpa parviennent avec « Underwater » à nous emmener dans un autre univers, tout aussi étrange. Les autres musiciens évoluent à leur côtés avec beaucoup de poésie, habillant les voix avec un piano préparé et quelques percussions effleurées. Tout ceci est de l’ordre du rêve, plus ou moins entêtant. Ces Night Birds sont de ceux qui hantent notre sommeil.

Night Birds doit beaucoup à ses invités. Sofia Jernberg, on l’a dit, mais également la violoncelliste Okkyung Lee qui fait merveille dans le très enfantin « Watching You Grow » où le piano de Manski souligne idéalement les voix. La Coréenne avait enregistré il y a quelques années un disque remarqué avec Phil Minton ; force est de constater qu’elle aime évoluer dans des orchestres où les voix sortent du cadre et savent se sublimer. Sara Serpa et André Matos signent une œuvre pleine de surprises qui consacre une des chanteuses européennes les plus intéressantes du moment.

par Franpi Barriaux // Publié le 21 janvier 2024
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