Chronique

10 Hradčany Praha 1

Hradčany

Serge Adam (tp), Philippe Botta (saxes, ney), David Venitucci (acc)

Label / Distribution : Quoi de Neuf Docteur

La plaque émaillée aux coins rouillés représentée sur la pochette indique la direction du centre de l’Europe, celle qui se tourne vers l’Orient. 10 Hradčany Praha 1, le quartier du Château qui surplombe Prague, est aussi un lieu de brassage et d’échange… Depuis dix ans, le trompettiste Serge Adam anime le trio Hradčany et mène ses comparses sur les chemins escarpés et improvisés d’un folklore imaginaire qui mènent toujours au pied du fameux Château.

Dans les compositions originales comme sur le traditionnel « Cigan Müziği », qui tutoie les contreforts de l’Anatolie, le saxophoniste Philippe Botta apporte les saveurs d’un Orient qu’il connaît bien pour avoir longtemps évolué auprès de musiciens imprégnés de ces musiques, telle la chanteuse Senem Diyici. Souvent, il délaisse ses saxophones pour le ney, cette flûte traditionnelle que l’on retrouve sous différents noms en Asie Mineure et au Moyen-Orient (naï).

Au centre de Hradčany, l’accordéoniste David Venitucci, que l’on a pu voir notamment avec Isabelle Olivier ou dans le « Diagonal » de Jean-Christophe Cholet. Son jeu de basses impressionnant cimente la relation passionnelle de ces trois musiciens embarqués dans une musique voyageuse (« A une heure incertaine »), mais son influence ne s’arrête pas à la rythmique. Lorsque le son cuivré de Serge Adam évoque la tradition tsigane (« Bucarest »), l’accordéon omniprésent choisit la couleur appropriée et provoque les virages qui, de Prague à Istanbul, nous entraînent dans des chemins de traverse, que ce soit vers la Mer Noire ou la Méditerranée.

Pour son troisième album, le trio utilise un canevas connu, de la même manière que le musicien traditionnel reprend incessamment le même air afin de le transcender, de le transmettre et d’en chercher la substance. Ainsi, au pivot de l’album on retrouve « Chjusella », déjà présent sur le précédent disque. Cette version plus orientale le rend plus ténébreux. Car en explorant la même veine, le trio renouvelle sa musique sans craindre les redites ; ce n’est pas parce qu’il n’y a rien de nouveau sous le soleil qu’il ne fait pas bon flâner sous ses rayons !