Chronique

Aänet

Aquarian Forest

Rémi Charmasson (g), Claude Tchamitchian (b), Jari Hongisto (tb), Stéphan Oliva (p)

Label / Distribution : Emouvance

On a beau savoir et répéter que la musique est un langage universel, on a toujours l’impression qu’un petit miracle se produit quand des musiciens venus d’horizons très éloignés parviennent, en un instant, à faire œuvre commune.

C’est ce sentiment d’heureuse surprise et de belle rencontre qui domine après l’écoute d’Aquarian Forest. Si les trois Français du groupe sont de vieux compagnons de route [1], le nouveau venu finlandais Jari Hongisto ne fait figure ni de néophyte, ni de pièce rapportée. Présent et aux aguets, il propose, structure et aiguillonne autant que ses compagnons, truffe ses interventions de surprises qui infléchissent le discours collectif, plaisante abondamment – dans « Jazz Pretext » il vous fera au moins sourire, à moins que vous ne soyez véritablement coincé-e des deux oreilles. L’étendue de ses ressources techniques et expressives est telle qu’on se surprend à chercher sur la pochette qui diable joue du cornet sur « Le feu de l’ombre »… Ah non, c’est un trombone. Encore lui.

Enregistré en Carélie - à l’extrême est de la Finlande - au mois de janvier, l’album semble porter les traces du paysage et du climat qui l’ont vu naître. Le vent froid de « Blowing Sunday » - un ostinato lancé à tombeau ouvert sur la glace par Claude Tchamitchian, qui se brise pour mieux enfler dans un unisson menaçant avec le piano -, les arbres de la forêt qui craquent et grincent sur « Extérieur nuit » - la contrebasse, encore - ou « Aquarian Forest » - la guitare de Rémi Charmasson, à qui il faudrait bien accorder une fois pour toutes la reconnaissance qu’il mérite pour son inventivité, sa pertinence, son talent mélodique et l’ampleur de sa palette -, les cris des oiseaux des lacs sur « Extérieur jour », le bois gonflé par la chaleur des saunas… et le bon vieux jazz cosy accompagné d’un verre de Koskenkorva sur « Jazz Pretext ».

Mais qu’on ne s’y trompe pas : la musique d’Äänet n’est pas descriptive. Elle suggère. D’autres atmosphères entrent dans la danse : ainsi, Stephan Oliva semble encore hanté par le fantôme de Bernard Herrman… témoin la fin de « Blowing Sunday ». Un album peut en cacher un autre.

Aquarian Forest n’a rien d’un one-shot. Bien au contraire, c’est probablement l’acte de naissance d’un groupe plein d’avenir. Un quartette qui a des choses à montrer et à dire et qui trouve, dès sa première production, une identité propre.

par Diane Gastellu // Publié le 8 décembre 2008

[1Stéphan Oliva et Claude Tchamitchian ont publié leur premier album commun, Novembre, en 1991 ; le duo Tchamitchian-Charmasson s’est produit pour la première fois en 1988.