Tribune

The wind cries Rémi

Le guitariste Rémi Charmasson nous a quittés le vendredi 2 mai.


Rémi Charmasson © Franck Bigotte

Chienne de vie qui emporte les meilleurs, trop vite, trop tôt. On n’imaginait pas un seul instant que Rémi Charmasson allait être vaincu par la maladie, à la veille de son soixante-quatrième anniversaire. Il laisse derrière lui, outre le souvenir de son immense talent, celui de collaborations multiples marquées par l’amitié et la passion des grands espaces.

Rémi Charmasson était d’abord un autodidacte, qui intègrera en 1985 la classe de jazz du saxophoniste André Jaume au Conservatoire d’Avignon (sa ville de naissance), où il obtiendra un premier prix en 1987. Sa carrière professionnelle commencera par une collaboration avec le même André Jaume, notamment au sein de son trio. En 1998, il remportait le concours du Festival de Sorgues en duo avec le contrebassiste Claude Tchamitchian, avec qui il enregistrera l’album Caminando en 1990. Le guitariste a partagé la scène avec bon nombre de musiciens de renom tels que Jimmy Giuffre, Buddy Collette et Charlie Mariano lors de différents festivals.

Rémi Charmasson © Patrick Martineau

Un survol de sa discographie nous rappelle l’enregistrement en 1992 de l’album Nemo en trio avec Jean-François Jenny-Clark et Fredy Studer. La même année, Charmasson collaborait avec le batteur Dennis Charles sur l’album A Scream For Charles Tyler. En 1996, il participait à l’album Merapi, une fusion enregistrée avec André Jaume et un orchestre gamelan. On n’oubliera pas non plus Ways Out du quartet de Claude Tchamitchian dont nous nous étions fait l’écho ici-même. Ni Mr A.J., un hommage en duo à son mentor André Jaume enregistré en 2019 avec son condisciple Alain Soler.

En tant que leader, Rémi Charmasson avait publié plusieurs albums, dont Résistances (1996), Manœuvres (2007), Fly Baby Fly ! (2013) et The Wind Cries Jimi (2013), ce dernier étant comme on peut le deviner un hommage à Jimi Hendrix (avec une apparition presque subliminale du « Hey Jude » des Beatles en conclusion de « The Wind Cries Mary »). Ses collaborations étaient nombreuses et d’esthétiques multiples, avec des artistes tels qu’Éric Longsworth, Tom Rainey, Drew Gress, Stephan Oliva, Guillaume Séguron, Bernard Santacruz, Bruno Tocanne, Perrine Mansuy, Régis Huby et bien d’autres. Charmasson continuait son exploration de nouveaux horizons musicaux, notamment au sein du Home Trio aux côtés de deux autres Avignonnais, Bruno Bertrand et Lilian Bencini, pour un projet mêlant jazz, blues, folk et musique baroque.

Une fin abrupte donc pour ce musicien qui vouait une grande admiration à deux écrivains pêcheurs, Jim Harrison et Norman Maclean et qu’il avait exprimée en trio (avec Robin Fincker et Eric Longworth) sur l’album Tales Of Rivers en 2023 (AjmiLive#36). Autant de souvenirs liés à son amour de la nature et des cours d’eau, « du Yosemite au Delta du Saloum, de l’Ardèche aux Cévennes, de la Drôme à la Sorgue jusqu’au Rhône et son delta Camarguais ». Rémi Charmasson, un musicien des grands espaces à sa façon, tant géographiques que musicaux.

Dans notre malheur et celui de ses proches, on se consolera un peu en attendant le mois d’octobre prochain, lorsque sortira l’album Painless Airwaves signé du trio BCD (pour Michael Baird, Rémi Charmasson et Philippe Deschepper), sur le label SWP. Une œuvre improvisée live au studio de La Buissonne, qui sera par conséquent la dernière séance de celui qui s’est envolé la veille de son anniversaire.

Oui, le vent pleure Rémi. Soufflons avec lui son ultime bougie.