Chronique

Abraham Inc.

Together We Stand

David Krakauer (cla), Fred Wesley (tb), SoCalled (turntables, elec, fx, cla, voc) + guests

Label / Distribution : Label Bleu

Sur le fond, on pourrait être en droit de se demander ce que c’est que ce bazar. David Krakauer, ci-devant clarinettiste incarnant presque à lui seul le renouveau klezmer qui s’acoquine avec Fred Wesley, tromboniste symbolique de la renaissance de la Nouvelle-Orléans, le tout orchestré par les samples furieux de SoCalled, DJ canadien travaillant de longue date avec Krakauer… Bubbemeises [1], aurait dit la grand-mère de David. Et pourtant. Dès « Together We Stand », qui donne le nom à l’album, on entrevoit où veulent en venir le trio et sa myriade d’invités, à commencer par le très funkisant batteur Michael Sarin. Ensemble, on se serre les coudes. Ensemble, on prend mieux les coups d’une Amérique rassise ; si on peut en plus le faire festivement… C’est le sujet de ce disque, et c’est peu de dire qu’on s’y amuse.

« The Hippies Were Right » en est le parfait exemple. Wesley s’époumone, véritable métronome d’un ensemble chahuteur, où la guitariste Sherryl Bailey est un parfait combustible. Eddie Allen à la trompette rajoute de la puissance et de la fougue, mais tout ce petit monde s’amuse et danse avec une liesse qui célèbre la liberté. Même chose sur le très beau « Blue Pepper » qui se joue d’un thème d’Ellington à la sauce new-yorkaise. SoCalled joue du clavier pour rehausser les basses pendant que Krakauer malaxe le thème pour le faire sien, avec une fluidité rare.

C’est vrai qu’on peut parfois être dérouté par la multiplicité des choix esthétiques. Ici du hip-hop joliment daté [2] avec « Get Down Moses », là des partis pris plutôt électro (« B-Flat à la SoCalled »). C’est surtout l’impression d’un grand mezze qui concentre plein d’épices et sait les distribuer tout en restant digeste, à l’image de « Hebonics », morceau mythique de DJ Premier qui a largement défini le hip-hop du début de ce siècle, ici mâtiné de toutes sortes d’influences malicieusement mélangées pour mieux flamber. Il en est de même pour « Doina », patrimoine traditionnel de l’Est de l’Europe qui se pare de musiques urbaines. Alors, qu’est-ce que c’est que ce bazar ? Quelque chose de tout à fait réjouissant.

par Franpi Barriaux // Publié le 17 novembre 2019
P.-S. :

[1Titre d’un disque de Krakauer.

[2On dit Old School…