Chronique

Hubert Dupont

Golan Al Joulan vol. 1

Hubert Dupont (b), Naïssam Jalal (fl), Ahmad Al Khatib (oud), Matthieu Donarier (cl), Zied Zouari (vln), Youssef Hbeisch (perc),

Label / Distribution : Ultrack

Il ne s’agit pas de faire d’une chronique musicale un commentaire géopolitique, mais lorsque l’on nomme un projet Golan et qu’on le sous-titre Al Joulan, l’auteur consciencieux se voit obligé de situer le propos, qui est avant tout musical. Golan et son célèbre plateau est un mot hébreu. Al Joulan, en arabe, désigne la même latitude. Point de tension international depuis la fin de la Première Guerre Mondiale, théâtre de la Guerre des Six Jours et aujourd’hui zone tampon névralgique à proximité du conflit syrien, c’est aussi un symbole des rapports de force actuels et futurs, notamment autour de l’accès à l’eau. C’est également, et peut-être surtout, un carrefour culturel. Un lieu d’échange et de partage, luxuriant et fertile. Pareillement, et c’est crucial pour comprendre le paradigme du sextet, la région d’Haïfa, cité ouverte et palpitante sur les idées progressistes.

Ces précisions pourront paraître superfétatoires mais c’est Hubert Dupont qui dirige l’orchestre ; elles sont donc importantes. Lorsqu’en 2013 le contrebassiste publiait Jasmin, déjà avec Naïssam Jalal à la flûte et Youssef Hbeisch aux percussions, il y avait une référence aux révolutions arabes dont il ne reste que de la rage et des larmes. C’est ce que l’on entend dans la longue suite en deux parties « Haïfa la nuit » qui ouvre l’album. Ahmad Al Khatib au oud converse avec le violon de Zied Zouari dans une complexité rythmique qui a toujours été la signature d’Hubert Dupont. Elle est ici renforcée par la complicité de Hbeisch et Al Khatib, à qui l’on doit en 2012 le fameux duo Sabil. Dans chacune des parties, il y a un dialogue. Un vibrant espoir de concorde, singulièrement lorsque la clarinette de Matthieu Donarier se joint à la réunion pour apporter un autre angle et célébrer l’équilibre et la sérénité de la seconde partie. Une quiétude qui doit beaucoup au jeu simple et délié de Dupont, dont chaque solo fait merveille (« Morning Promise »). Cela n’oblitère pas les nécessaires accès de colère, souvent portés par la flûtiste, que l’on retrouve dans un registre assez proche de ses Rythms of Resistance (« Pass Pass »).

Jalal et Dupont se connaissent par cœur, et c’est le moteur de ce disque enregistré en public au festival Musiques au Comptoir de Fontenay-sous-Bois. La flûtiste était aussi embarquée dans le magnifique VoxXL, enregistré au même endroit. Ici, pas de voix : le chant passe régulièrement par la flûte, qui illumine constamment cette musique. Ce n’est pas parce qu’il n’y a pas de mots qu’il n’y a pas de message. Avec Golan Al Joulan, Hubert Dupont affirme sa volonté de marteler un plaidoyer pour cette région du monde, son présent, et son avenir nécessairement multiculturel. C’est le premier volet d’une série qui s’annonce passionnante.