Chronique

Alexandre Herer

Nunataq

Alexandre Herer (Rhodes, synth), Gaël Petrina (elb), Pierre Mangeard (dms).

Label / Distribution : Onze heures onze

On connaît bien Alexandre Herer, cofondateur et musicien récurrent du label Onze Heures Onze, compagnon de route – entre autres – de Jozef Dumoulin, Stéphane Payen, Julien Pontvianne ou Olivier Laisney. Souvenons-nous de son trio, du groupe Oxyd, de l’AUM Grand Ensemble ou encore de la Fanfare XP de Magic Malik… Le pianiste, hyperactif, est engagé depuis une bonne dizaine d’années dans de multiples expérimentations mettant en jeu aussi bien le son du Fender Rhodes, son instrument fétiche, que le travail sur l’image, notamment à travers plusieurs bandes originales de films.

Avec Nunataq, qui tire son nom du groenlandais et signifie un monticule entièrement recouvert de glace, Alexandre Herer parvient à la jonction de ses différentes voies d’exploration. D’abord en raison de la présence – pour ne pas dire la prééminence – du Fender Rhodes, occasion pour lui d’adresser un clin d’œil à Jozef Dumoulin et de sonder les possibles de cet instrument, ici missionné pour figurer de grands espaces glaciaires. Ce à quoi le pianiste parvient à la perfection, lui qui en a compris les vertus éminemment climatiques et le pouvoir brumeux, à l’instar du géant belge, considéré comme un maître en la matière… D’une durée courte (à peine une demi-heure), Nunataq plonge l’auditeur dans un grand bain de froid nocturne, à l’image d’un « Inlandsis » et de ces contrées marquées par le froid et la nuit, dont la pérennité est aujourd’hui compromise en raison du réchauffement climatique.

On n’ira pas jusqu’à dire qu’on saute d’une joie insouciante à l’écoute de cette musique plutôt cérébrale, même si la rythmique entêtante (Gaël Petrina et Pierre Mangeard) vient constamment nous rappeler à chaque instant la nécessité de la pulsation – et des rythmiques impaires si chères au label – comme preuve de vie. Mais on se réjouira de la force intérieure qui émane d’un trio aux accents électriques, pas si loin d’un jazz rock venu du grand Nord. Le frisson est garanti !