Chronique

Antoine Galvani

Suite astrale

Antoine Galvani (comp, p, synth, perc, voc), Illyes Ferfera (ts, ss), Arthur Henn (b), Baptiste Castets (dms, perc) + Grégory Sallet (ss), Aurélien Joly (tp), Lionel Moreau-Flachat (as), Antoine Destephany (tb), Ben Barutel (g), Baptistine Mortier (voc), Nikitch (machines).

Label / Distribution : Inouïe Distribution

Antoine Galvani est un pianiste compositeur qui s’est longtemps glissé sous la peau d’un certain Ahn Tuan, qu’il qualifie lui-même d’alter ego un peu mégalo et qui serait, selon lui, le « premier Vietnamien envoyé dans l’espace ». Ce trentenaire est passé par la musique classique, le rock et le jazz et, comme bon nombre de ses congénères, par le Centre des Musiques Didier Lockwood. Sa discographie est riche de trois albums, deux EP et quelques collaborations. Notre homme voit grand, car cette année il est question pour lui - entre autres - d’un travail avec un orchestre symphonique. Faut-il ajouter que ce musicien a un petit côté perfectionniste qui le rend très attachant ?

Antoine Galvani revient avec un disque d’une facture singulière dont le titre, Suite astrale, laisse deviner toute la dimension cosmique et une réelle ambition esthétique. D’autant que son processus de création s’est déroulé sur une longue période d’environ cinq ans, entre écriture, enregistrement et réalisation finale. Il y a par ailleurs chez ce compositeur la revendication d’une filiation avec le rock progressif, qui connut son heure de gloire durant la première moitié des années 70 et qui a finalement laissé peu d’héritiers marquants. Suite astrale n’est donc pas n’importe quelle création. C’est un concept album comme au bon vieux temps, avec une histoire – ici celle d’un long voyage –, une seule et même longue composition découpée en grands mouvements, dont l’écriture ciselée et la production très soignée appellent de la part du pianiste cette mention sur la pochette : « Nous conseillons vivement une écoute au casque pour une immersion totale dans l’espace ! ». Là se niche peut-être son côté « progressif », auquel on préférera le terme « prospectif » qui reflète plus fidèlement la réalité de la démarche d’un musicien ouvert à bien des influences qu’il veut ici fusionner et dépasser. Surtout que pour faire bonne mesure, le disque contient un livret de vingt-quatre pages dont le graphisme signé Agnès Ceccaldi pourrait évoquer de loin celui de Roger Dean illustrant autrefois les pochettes des albums du groupe Yes.

Mais Antoine Galvani se situe délibérément ailleurs, son écriture étant souvent empreinte d’un néo-impressionnisme qui se nourrit de la liberté du jazz, avec çà et là de belles interventions en solo (Grégory Sallet, l’un des musiciens invités et membre du collectif Pince Oreilles, époustouflant sur « Symetric Land » et « Home Run »), d’une énergie très rock, d’une liberté de création aux accents parfois free et d’un traitement sonore électro-acoustique qui fait écho par instants à l’univers minimaliste de Robert Wyatt. La musique peut se faire chorale, laissant émerger par instants un chant aux couleurs classiques. En réalité, Suite astrale n’est pas de ces disques qu’on détaille. Il faut le prendre comme un ensemble et surtout savourer le privilège que s’accorde son compositeur : celui du temps. Est-ce là l’effet bénéfique du voyage intersidéral au centre de cette création ? Durant ses 75 minutes (dont, il faut tout de même le signaler, une bonne vingtaine de silence au beau milieu du thème final baptisé « Home Run », avant sa conclusion tourmentée), Antoine Galvani nous projette ailleurs, dans un monde ouvert et sans limites où il fait bon s’arrêter. Et dont il faut accepter de redescendre tout doucement, depuis ces hauteurs étoilées que cette petite symphonie nommée Suite astrale fait toucher du bout des doigts.