

Andrea Ruggeri
Mustras
Andrea Ruggeri (dm, elec), Elsa Martin (voc), Simone Soro (vln), Elia Casu (g).
Label / Distribution : Da Vinci Jazz
Par ses nombreux échanges musicaux avec Ares Tavolazzi, Rita Marcotulli, Jean-Marie Machado ou Furio di Castri, Andrea Ruggeri s’est forgé une identité artistique originale qui l’a conduit à intégrer la littérature dans la musique. Né en Sardaigne, le batteur vit dans la péninsule, à Trévise. Avec son ensemble ARE composé de treize musiciens issus de diverses régions italiennes, il avait enregistré Musiche Invisibili en public le 21 juin 2017 à Pavie, en hommage à l’écrivain Italo Calvino et son roman Les Villes invisibles publié en 1972.
Le deuxième chapitre dédié à l’ouvrage Les Villes invisibles donne naissance à cet album intitulé Mustras. Ce titre provient des décorations textiles sardes qui représentent des scènes de la vie quotidienne, les textes sont énoncés en italien, anglais et frioulan. Avec son quartet Small Ensemble, Ruggeri diversifie la structure compositionnelle : il n’y a pas qu’un fil conducteur, mais plusieurs fils entrelacés. Cet effet miroir symbolise des formes duelles qui s’incarnent au sein de onze compositions.
« Fornellini D’Artificio » et ses traces de pas conduisent à l’ensoleillement incarné par la voix d’Elsa Martin. « Cloe » a des réminiscences des Stormy Six et entre dans le vif du sujet, le violon de Simone Soro s’accole à la voix alors que la guitare d’Elia Casu improvise avec la batterie, affirmant ainsi des contradictions. Le monde des rêves, partagé entre des sentiments opposés, atteint une dimension intemporelle dans « Isidora », sublimé par l’intervention du violoniste.
« Leonia » se peuple de perspectives trompeuses, fidèle à l’esprit d’Italo Calvino qui insiste sur le fait que chaque chose en cache une autre. Les balais caressent les peaux de la batterie, accolés au violon mélodieux et aux réverbérations de la guitare, ils préfigurent les syncopes vocales finales qui entraînent tout sur leur passage. « Ersilia », plongé dans l’expérimentation, précède les vagues soniques d’« Ottavia », le déroulement des différents discours se veut trompeur. Entendue auparavant dans le précédent disque Musiche Invisibili, la composition « Maurilia Reloaded », est remodelée et évolue dans un nouveau schéma à l’image des fils conducteurs chers à Italo Calvino.
L’écriture et la musique qui cheminent harmonieusement dans cet album conceptuel cessent d’exister ensemble, leurs aspirations et leurs peurs s’éteignent avec « Anastasia ». Andrea Ruggeri a su astucieusement alterner les thématiques chères à Italo Calvino, Mustras en est le récit fabuleux.