Chronique

Andy Emler MegaOctet

Obsession 3

Vous l’avez lu partout, « Obsession 3 » porte ce titre parce que tous ses morceaux sont composés en trois temps. Tout chroniqueur qui se respecte vous le précise parce qu’il n’est pas sûr que vous vous en rendiez compte tout seul. Lui-même, d’ailleurs…

Après « E total » intégralement composé sur une fondamentale de Mi, « Obsession 3 » est donc la deuxième incursion d’Andy Emler et de son MegaOctet dans les arcanes de la contrainte créative. Ici, le chroniqueur qui se respecte ne peut manquer de citer l’OuLiPo.
Bref, au commencement était la contrainte et l’omniprésence d’un chiffre - le 3, qui élevé au carré donne 9, pile le nombre de musiciens du MegaOctet, faut-il le rappeler. Une fois ceci posé, il reste la musique : sept morceaux.

Sept ?

Oui, mais le dernier n’est pas un vrai morceau : c’est une coda, avec la présentation des musiciens. Ah, alors on a bien six morceaux, deux fois trois, c’est rassurant. Mais sept aussi, et c’est un nombre premier. Comme trois. Sauf que deux d’entre eux se partagent un seul titre (« Tribalurban » 1 et 2). Et un autre porte le chiffre 2 : « Balallade 2 », sans qu’il y ait le 1. Ah, mais juste avant il y a « Doctor Solo » et « Trois total ». Solo = 1, trois, 2. Vous suivez ?

Pour la musique c’est pareil. Ternaire, disions-nous ? Certes. Mais ni swing ni shuffle. Ni valse, ça va de soi. Et comme Andy Emler, en bon amateur de rugby, pratique assidûment le contre-pied, il vous subdivise ça de telle façon que vous vous surprenez à compter sur vos doigts. Tout en tapant du pied droit et en hochant la tête, ce qui est un bon exercice.

Avec ça, il recycle, réemploie, cite, s’auto-plagie à plaisir. Obsession 3 est une partie de geocaching musical d’une complexité diabolique et totalement jouissive. Beaucoup de clés sont à chercher dans les tout derniers albums du MegaOctet : le riff de piano des deux « Tribalurban », ça ne vous rappelle rien ? Et le titre « La Mégaruse » ? Et son solo de piano dans lequel se glisse subrepticement un tout petit bout de « La Régamuse » ? Et le tutti de saxophones de « Obsession 1 » qui revient à la fin de « Doctor Solo » et qui rappelle… quoi déjà ?
Attention, il s’agit bien d’un jeu. Vade retro prise de tête : le MegaOctet c’est - encore et encore - le french flair fait musique. Composition d’équipe en trois cercles : pivot du groupe le trio Emler, Tchamitchian et Echampard  ; deuxième cercle les indispensables François : Verly, vibrionnant multipercussionniste responsable des couleurs et des contradictions, et Thuillier, avec son tuba qui court le 100 mètres en moins de 11 secondes. Troisième cercle : sax et trompettes avec toujours Laurent Blondiau, Philippe Sellam, Laurent Dehors et cette fois Guillaume Orti (déjà présent sur West in Peace), qui succède à Thomas de Pourquery.

Virtuosité, groove, jeu d’ensemble à toute épreuve, montées offensives endiablées et moments de grâce, esprit d’équipe et cette témérité qui vous accroche un sourire permanent. Le MegaOctet qu’on aime, et qui se bonifie avec l’âge.

par Diane Gastellu // Publié le 25 octobre 2015
P.-S. :

Andy Emler : p, comp, dir ; Philippe Sellam, Guillaume Orti : as ; Laurent Dehors : ts ; François Thuillier : tba ; Laurent Blondiau : tp ; François Verly : perc., marimba ; Eric Echampard : d ; Claude Tchamitchian : cb