Chronique

Lubat / Assayag / Chemillier

Artisticiel / Cyber-improvisations

Bernard Lubat (p, voc), Gérard Assayag (ordinateur : Omax/SoMax), Marc Chemillier (ordinateur : Djazz)

Label / Distribution : Phonofaune

Artisticiel s’est développé sur un socle de recherches. La musique, Bernard Lubat la cherche depuis toujours. La conception d’outils informatiques de création musicale, Gérard Assayag la met à jour. L’anthropologie musicale et informatique, Marc Chemillier la délivre.

Après des dialogues entre musiciens (Lubat/Luc, Lubat/Sclavis, Lubat/Portal), s’entame ici un dialogue cyber-humain. S’ensuit une réflexion sur la place de l’intelligence artificielle dans le domaine musical, et surtout celui de l’improvisation. C’est pourquoi le trio préfère parler de cocréativité. Écartant tout a priori à l’égard de la créature contrefaite, le propos est bien celui du dialogue, où chaque partie a quelque chose à apprendre de l’autre. Ce qui nous rebute souvent dans l’intelligence des machines, c’est la déception d’y trouver le reflet de notre propre humanité. Mais que trouve la machine chez nous ? Dès lors, affranchi de tout regard discriminant, l’expérience a sa place.

Même si l’initiative de la rencontre reste humaine - pour l’instant - les questions philosophiques, éthiques, qui en découlent donnent matière à produire. C’est pourquoi Artisticiel, c’est aussi un livre, bilingue, conséquent, dans lequel les textes font figure de style et sont musique. Les mots de Bernard Lubat, Marc Chemillier, Gérard Assayag ou George Lewis (pionnier du dialogue homme-machine), sont enrichis d’images et de son. Le tout sur 162 pages, format à l’italienne, donne matière à réfléchir, mais aussi à se divertir.

Loin d’être cacophonique, le dialogue est immédiatement perceptible, parce que musical : il capte alors l’attention. Bien sûr on entend une langue nouvelle, des sons peu familiers, mais on perçoit la rencontre et la forme qui s’en dégage nous parvient, d’autant plus intéressante. Comme pour tout dialogue, ça se joue à plusieurs niveaux. Ils sont ici accessibles et restituent une inédite symbiose, qui trouve sa racine dans un désordre et une indiscipline collective où l’on aime jouer. Et ça marche : l’interconnexion est excellente.