Chronique

Arve Henriksen

Cartography

Arve Henriksen (tp, voc), Jan Bang (samples, rythmes, dictaphone, programmations), Audun Kleive (perc), David Sylvian (voc, samples, programmations), Helge Sunde (arr, programmations), Eivind Aarset (g), Lars Danielsson (b), Erik Honoré (synthétiseur, samples), Arnaud Mercier (traitements électroniques), Trio Mediaeval (voc), Vérène Andronikof (voc), Vytas Sonndeckis (arr)

Label / Distribution : ECM

Quatrième disque d’Arve Henriksen, Cartography creuse le sillon des précédents mais pourrait faire figure de synthèse temporaire dans le parcours du trompettiste en rassemblant lieux, styles et influences. Enregistré en studio entre Oslo, Kristiansand, Cologne et Londres, et augmenté de deux titres live, cet album affirme une ambition de créer une musique environnementale (pour ne pas dire ambient) mais qui ne cède jamais à la tentation décorative. Moins travaillé par l’électronique et les sons de synthèse que ses prédécesseurs, il annonce, tout en allant de l’avant, un retour au jazz et à l’improvisation - un retour aux sources, donc, paradoxal mais bienvenu. En témoignent les deux titres en public (« Poverty and its Opposite » et « Famine’s Ghosts Pts 1-2 »), qui captent avec moins de fioritures et d’orfèvrerie sonore ce dont est capable Henriksen. Sa présence chez ECM comme leader [1] après des débuts chez Rune Grammofon est, à cet égard, éloquente et tout à fait en phase avec l’esthétique chère au label.

Cartography est donc un disque plus « nu », qui montre un goût plus marqué pour l’épure, outre le désir de faire travailler l’écriture au sein de l’improvisation et inversement. Le motif répétitif et synthétique qui ouvre « Poverty and its Opposite » en témoigne : sur ce canevas rythmique simple au tempo lent, Henriksen tisse des phrases à la fois longues et minimales, dans un jeu qui rappelle toujours autant Nils Petter Molvaer [2].

Si le travail de post-production reste conséquent (les titres avec David Sylvian, « Before and Afterlife », « Thermal »), les compositions sont davantage fondées sur le jeu collectif et sa spontanéité. « Famine’s Ghosts Pts 1-2 », enregistré au Punkt Festival en 2006, est époustouflant à tous points de vue, tandis que le lyrisme vocal de « Recording Angel » distille une émotion intense. Cela grâce à un line-up de grand ensemble ou presque, en tut cas gargantuesque à côté des effectifs réduits auxquels l’artsite a fait appel jusqu’ici. On retrouve les fidèles lieutenants Jan Bang et Erik Honoré, pour une large part responsables de l’univers sonore, mais aussi quelques nouvelles têtes : Sylvian, donc, le Trio Maedieval ou encore Stale Storlokken de Supersilent, chacun apportant sa touche personnelle — qui une capacité à jouer sur la corde raide de la dissonnance, qui un talent pour les nappes vocales abstraites. D’où une convergence de savoir-faire et d’approches qui rendent l’ album un peu hétérogène. Défaut largement compensé par sa générosité et l’amplitude de sa vision musicale.

par Mathias Kusnierz // Publié le 6 juillet 2009

[1Il y avait déjà collaboré avec Christian Wallumrd, Trygye Seim et Jon Balke.

[2Ce serait à la limite le seul reproche qu’on pourrait lui adresser, cette proximité parfois confondante avec son cousin de Norvège.