Chronique

Roger Kellaway

Live at the Jazz Standard

Roger Kellaway (p), Russell Malone (g), Stefon Harris (vib) Jay Leonhart (b), Borislav Strulev (cello)

Musicien de studio apprécié de ses pairs et considéré un peu partout comme un petit maître, le pianiste Roger Kellaway n’a jamais vraiment eu la carrière qu’il méritait, lui qui débuta dans les années 60 avec (peut-on lire ici et là) des enregistrements prometteurs, notamment pour Prestige. Polyvalent et virtuose, tantôt classique, tantôt avant-gardiste (incursion remarquée chez Don Ellis en 1966), l’homme fait figure de sage omniscient. Ceux qui entrent dans son œuvre trouveront donc dans ce copieux live (deux sets, deux heures de musique) une bonne introduction et une bonne synthèse. On y trouve des compositions originales (« All My Life »), des standards plus que canoniques (« Freddie Freeloader »), et des standards qui le sont un peu moins (« Doxy »).

Accompagné de fidèles lieutenants qu’on écoute assez peu en Europe (Russell Malone à la guitare, le fantasque Stefon Harris au vibraphone, Jay Leonhart à la contrebasse et Borislav Strulev au violoncelle), Kellaway déploie ici tout son sens de la clarté, du propos délié. L’absence de batterie (que la guitare ne remplace pas vraiment mais dont elle endosse parfois le rôle), le vibraphone et le violoncelle permettent de déplacer le centre d’intérêt vers les arrangements, les petits inserts marginaux - tout un art de la délicatesse et de la réécriture subtile. Le quintette ne cherche pas l’efficacité à tout prix, plutôt la construction patiente d’un espace collectif où chacun apporte son enluminure à l’ensemble. Jouées le plus souvent « laid back », les interprétations de quintette intelligent et généreux se révèlent parfois brillantes (« C Jam Blues », « 52nd Street Theme »), et la pertinence d’un jeu collectif construit sur la durée propose une relecture à neuf des originaux.