Chronique

Avishai Cohen/Nitai Hershkovitz

Duende

Avishai Cohen, cb ; Nitai Hershkovitz, p.

Label / Distribution : Blue Note

Un joli disque, taille vinyle (34’), soit un goût de trop peu, qui relate une rencontre et nous la fait vivre. C’est d’ailleurs son grand mérite : Avishai Cohen et Nitai Hershkovitz, pianiste, se sont en effet croisés dans un bar et se sont suffisamment appréciés pour se lancer dans cette aventure.

De là au studio (puis aux concerts), il n’y a que quelques petits pas. Il en ressort ce Duende, neuf petites pièces intimes, intimistes même, comme on voudra, délicates, éloignées des accents des récents trios et autres performances énergiques du contrebassiste. Hors courant. Une soirée qui se prolonge. Ainsi ce « Soof » où les deux musiciens entrecroisent mains, élans, sons, l’un entraînant l’autre, l’autre calmant l’un. Pas de surjeu, pas de leader. Et ainsi de suite, sur des compositions du contrebassiste - autant de courtes pièces sans précautions et qui s’étirent. Rapidement. Calmement. Comme autant de brefs divertissements.

« All of You » est un des trois « parrainages » façon grand parasol de ce Duende. Le choix de ce thème n’est évidemment pas anodin. Il renvoie l’auditeur à la célèbre session du Village Vanguard au cours de laquelle Bill Evans et Scott LaFaro triturèrent avec délices, et en public, cette jolie mélodie ; c’était il y a un demi-siècle. Soudain on saisit mieux tout le talent d’Avishai Cohen et son inspiration débridée, ici exempte de l’énergie volontaire qu’ordinairement, il aime tant à insuffler : seule l’émotion demeure.

Bref, 34 minutes sereines signées d’un autre Cohen, à travers neuf pépites : outre cet « All of You » indestructible, on y trouve deux hommages, l’un à Monk (« Criss Cross »), l’autre à Coltrane (très beau « Central Park West » façon matin d’hiver où il faut tendre l’oreille tant les deux complices ont, semble-t-il, tout fait, tout joué pour ne pas déranger les voisins.

Le disque s’achève sur un Cohen pianiste seul en piste pour un ultime thème aux allures de ballade sous le manteau. Vite dit, vite fait. Tout aussi serein et immatériel que les autres. Belle conclusion pour un album simple et sans prétention.