Chronique

Nitai Hershkovits

Call on the Old Wise

Nitai Hershkovits (p)

Label / Distribution : ECM

Le titre de l’album est éloquent, Appelle les vieux sages. Si Nitai Hershkovits n’a pas encore atteint la quarantaine, il brille déjà par son expérience musicale qui l’a conduit à s’illustrer aux côtés d’Avishai Cohen [1] dans son bel album Duende ou d’Oded Tzur dans ses deux disques Here Be Dragons et Isabela.

Il ne faut pas espérer entendre des circonvolutions voisines du jazz ou avant-gardistes dans Call on the Old Wise  : le pianiste vise plutôt ici un classicisme proche des Nocturnes de Frédéric Chopin. Des réminiscences de compositeurs classiques des XIXè et XXè siècles parcourent l’album, qui s’adresse en priorité aux amateurs de musique classique et de romantisme.

Le toucher pianistique de Nitai Hershkovits est léger et habité par la mélancolie comme dans « Enough To Say I Will », semblable à une marche solennelle. « Majestic Steps Glow Far » bénéficie d’un jeu dynamique à la main gauche ; la musique y est accessible et vise l’expressivité émotionnelle, à l’instar de « Dream Your Dreams ». Un parfum romantique s’exprime dans « Of Trust and Remorse » où le lyrisme se déploie avec un équilibre parfait. L’enchaînement des pièces énonce une multitude de tonalités mais c’est surtout la richesse des timbres qui dévoile la grande technicité du pianiste. Des formes dynamiques héritées de la musique russe se font entendre de manière sous-jacente dans « Intermezzo N° 4 », imprégné d’une spiritualité digne d’Alexandre Scriabine.

La notion de swing héritée du jazz avait laissé des traces dans les enregistrements en piano solo de Paul Bley ou de Chick Corea qui firent la renommée de la maison ECM. Avec Nitai Hershkovits, le concept devient bien plus abstrait.
Le pianiste signe toutes les compositions sauf une, « Single Petal Of A Rose » de Duke Ellington, extraite de la Queen’s Suite, où l’air évolue dans une structure mélodique enrichie par des notes soutenues. La relation à la vitalité du jazz s’incarne dans « Of Mentorship », et des bribes de blues illuminent « River Wash Me ».

par Mario Borroni // Publié le 3 mars 2024
P.-S. :

[1Le contrebassiste, NdlR.