Peu prolixe, ces dernières années, en enregistrements en leader (son dernier disque sous son nom remonte à 2010 avec On Air), Benjamin Moussay est pourtant un personnage indispensable de la scène actuelle. Pianiste confirmé, habile sur tous types de claviers, il enrichit les projets de musiciens d’importance (de Airelle Besson à Sylvain Cathala) auquel il apporte un indéniable savoir-faire et un sens authentique de l’à-propos. Tout particulièrement proche du clarinettiste Louis Sclavis, il partage avec lui, depuis quatre disques, une aptitude innée pour la mélodie qu’il étoffe d’un enrichissement harmonique épuré.
Les mêmes approches animent ce disque capté en solitaire. L’exercice de la solitude n’est pas ici un exil ni même une confrontation à soi, plutôt le portrait intime d’une sensibilité musicale. Misant sur l’absence d’effets superfétatoires, Moussay privilégie les climats intimes d’une grande délicatesse et mise sur l’économie de moyens pour éviter la surenchère romantique. S’arrêtant, en effet, à l’orée de toute forme de sentimentalité appuyée, il délaisse les compositions complexes pour développer une seule idée par thème. Sans se laisser gagner par les facilités pianistiques, il préfère mettre sa virtuosité au service de l’ellipse, de la retenue et du sens de la respiration.
On entend ainsi une succession de pièces délicates qui s’écoulent avec justesse. Teintée d’une mélancolie troublée, le musicien y découvre des trésors de raffinement, servis notamment par un toucher d’une magistrale maîtrise. Les superbes parties basses du piano comme le cristallin des aigus laissent entendre les potentialités d’un instrument qui, aussi imposant soit-il, sonne alors avec fragilité.