Chronique

Bruno Tocanne, Didier Fréboeuf

Bruno Tocanne (d), Didier Fréboeuf (p)

Ca n’empêche pas le vacarme

Label / Distribution : Instant Music Records

Les mélomanes qui osent s’aventurer vers des esthétiques peu communes connaissent – c’est sûr – Bruno Tocanne. Le batteur – mais pas que – multiplie depuis belle lurette albums et projets hors norme et, systématiquement, propose des musiques captivantes. Cette fois, c’est avec le pianiste Didier Fréboeuf que chemine cet arpenteur de sons d’ici et de phrases d’ailleurs, et il nous convie à partager cette balade au grand air. Cette fois encore, on s’embarque avec un immense plaisir au gré des sept morceaux qui constituent ce disque.

La formule piano – batterie laisse deviner, bien avant même que nous engagions la première piste, des promenades escarpées. Les jongleries que nous proposent ces deux esthètes ne s’apprécient que si l’on goûte chacun des sons, chaque pulsation, chaque heurt et chaque caresse. Ainsi en est-il de « On ne discute pas cuisine avec un anthropophage ». Les quatre minutes de ce pas de chat musical se savourent si l’on s’imprègne de chacune des bribes qui alimentent ce morceau à l’ADN presque bruitiste et, en même temps, traversé d’une poésie sensible. Les notes de piano pour la plupart étouffées, les balais sur les peaux se lovent et s’enchevêtrent dans un superbe susurrement. A l’inverse, « Song for Whales » – composition de Charlie Haden – qui suit immédiatement, est lyrique et l’enchaînement des deux pistes est un régal. On pourrait les recevoir comme autant de mouvements d’une pièce unique. C’est également le cas avec « Saturation et All Over » qui commence avec une douleur non feinte, faite de choses qui crissent, grincent et craquent pour ensuite éclore dans une composition nerveuse où tous les éléments sont dans un équilibre de funambule. Et puis arrive « Ça n’empêche pas le vacarme », longue évanescence, superbe elle aussi, qui va et vient entre crescendo et decrescendo.

L’album de Bruno Tocanne et Dider Fréboeuf est organique, de genre qui emplit celui qui accepte de s’y jeter sans tremper le bout de l’orteil pour savoir si l’eau est froide ou tiède. On y inspire, on y halète, on s’y époumone, on s’y oxygène, on respire.

par Gilles Gaujarengues // Publié le 9 janvier 2022
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