Scènes

À Vaulx Jazz 2010 au jour le jour (2)


imuZZic fête ses dix ans de riches pérégrinations…

imuZZic ? Tous ensemble, mais tous différents. Dix ans de quêtes musicales, de remises en cause, d’essais, transformés ou non, vers de nouveaux sons ou horizons. Pour fêter cette décennie le collectif et le festival A Vaulx Jazz ont imaginé et mis sur pied, le temps d’un set, un big band réunissant tous les « locataires » de la structure, épaulés par quelques invités (trois cuivres pêchus et une contrebasse).

Il s’agissait aussi de revenir sur l’histoire d’imuZZic et sur la multiplicité des vies qui l’ont agité. Le set, malheureusement resserré, démarre avec un brin de retenue, batterie et contrebasse, dans l’attente de la suite. Bientôt le big band prend ses aises, monte en éclats et en résonance, bien entendu dominé par des échappées solitaires de cuivres : solo soutenu au baryton de Damien Sabatier, convaincante intro de Samuel Blaser au trombone, les trompettes de Rémi Gaudillat, Fred Roudet et Russ Johnson).

R. Gaudillat, Ph. Gordiani, B. Tocanne © H. Collon

Ici, chacun attend tout le monde et vice versa : le collectif comme somme des individus qui le composent mais pas seulement. Le collectif, aussi, parce que c’est la seule façon de corser l’addition vers un ailleurs qu’on dessine à fines touches. Certes, il y a quelque paradoxe dans l’élaboration de cette musique très écrite qui fait la part belle aux discours individuels débarrassés de leurs liens. Qu’il s’agisse de ceux des deux contrebasses (Benoît Keller et Michael Bates), des deux guitares (Philippe Gordiani et Fred Meyer) ou du saxophoniste invité, à l’évidence heureux d’être de l’aventure (Quinsin Nachoff), toutes les interventions concourent à élargir le cadre et à s’extirper des lieux communs.

De fait, au fil de la soirée, le ton monte, les choses s’imbriquent toujours mieux jusqu’au finale, consacré à deux pièces de Rémi Gaudillat. Une belle intro de trompette, un somptueux solo de trombone aux accents « gershwiniens » avant l’arrivée du soprano, l’intrusion des percussions, en renouvellement permanent et, enfin, la valse complice des guitares. Alors, l’ironie, toujours à fleur de peau chez tout collectif qui se (et nous) respecte, reprend ses droits et on finit ce concert-anniversaire de façon plus détendue. Bruno Tocanne n’aura toutefois pas oublié de rappeler, à quatre mesures de la fin, combien, durant toutes ces années, Agapes aura permis à imuZZic de vivre sa vie et de prospérer. Évidemment présent, Yves Bleton, qui en est l’âme, aura apprécié…

Magic Slim : le Blues assis mais toujours pas dompté

On aurait dû s’attacher aux sièges, mais il n’y en avait plus : tous debout pour accueillir the big boss dont c’était la troisième ou quatrième prestation ici. Evidemment, Magic Slim n’arrive pas le premier sur scène. La piétaille a été dépêchée en estafette, comme toujours, pour miner un peu le terrain. Vieilles recettes ! Après le tour de chauffe qui augure bien de la suite, IL fait enfin son entrée. A petits pas lourds. Derrière lui, tels le cornac et l’éléphant, un petit monsieur s’occupe de tout : de la grosse sangle de guitare à disposer en tournant autour du personnage, de la guitare qu’il installe sur ses genoux et enfin de la chaise, posée en avant-scène, sur laquelle Magic s’asseoit pour ce tête à tête. Lui assis, la salle debout ? Oui, ça a un petit côté monde à l’envers mais ça n’aura en fait aucun impact sur ce qui va suivre.

Magic Slim © P. Audoux/Vues sur Scènes

Car même assis et quasi immobile, Magic Slim n’abdique rien de son punch d’artificier-chef pour mettre le feu aux poudres dès qu’il effleure sa guitare. Il joue sur du velours tant le trio qui l’entoure sait faire monter les enchères. Au second rang de ces Teardrops grand format, Brian Jones aux drums ne cesse de cogner et cogner encore, avec beaucoup de naturel et de décontraction, sur une batterie qui en tremble encore. Devant lui, à la guitare - pas seulement en second rideau - et à la basse, deux serviteurs pour un bluesman en majesté.

Le reste se passe de commentaires : Magic Slim égrène encore et toujours ses blues râpeux, carrés, soutenus, et évidemment sonores. Ne pas attendre du bonhomme qu’il change quoi que ce soit à son jeu, ses intros, ses solos, la quetion rituelle « D’you want the blues ? », à la serviette qu’il accroche au pied de micro au grand désespoir des photographes (vingt professionnels - ou supposés tels - et quatre cents amateurs qui veulent évidemment immortaliser le moment.)

On ne s’en lasse pas. Et c’est tout le mystère de ces thèmes similaires qui, entre ballades et blues massifs, donnent à tout le monde le temps de respirer. Mais Magic Slim n’est plus un jeunot. C’est lui, nous dit-on, qui a souhaité démarrer la soirée. Et déjà il range sa guitare, remet la sangle au petit monsieur puis s’extirpe de sa chaise pour prendre le chemin des coulisses, laissant à son trio le soin de conclure. Magic Slim ne reviendra pas. Il y a parfois des rappels de trop. Cette fois, il manque cruellement.