Chronique

Chiminyo

I am Panda

Chiminyo : d, mix

Label / Distribution : Gearbox Records

Chiminyo (de son véritable nom Tim Doyle) est un musicien et producteur immanquable de la nouvelle scène jazz londonienne. Si vous connaissez Maisha, Cykada, Nubya Garcia, Theon Cross ou Gary Bartz, vous avez très certainement déjà entendu ce talentueux percussionniste. Chiminyo fait partie de ces musiciens chez qui l’expérimentation instrumentale prend une toute nouvelle forme, car son processus créatif est aussi complexe que fascinant.
Il utilise une batterie sur laquelle sont branchés des micros reliés à un logiciel d’édition sonore de son invention. Les sons qu’il émet avec son instrument sont traités et modifiés en direct par son ordinateur. Il parvient à transformer à sa guise les sons produits par sa batterie, ce qui modifie la nature percussive de son instrument et élargit sa palette.
Alors ne soyez pas confus car derrière Chiminyo se cache bien une seule et même personne. I Am Panda est une brillante introduction au travail de Doyle, semblable en bien des points à celui de Louis Cole, Flying Lotus, DJ Shadow ou encore Moses Boyd et LTJ Bukem.

Ce premier album, il le compose et le produit comme le ferait un orfèvre. Comme en un voyage initiatique, Chiminyo nous fait plonger dans un univers musical chatoyant. Il s’amuse des frontières poreuses du jazz en explorant hip hop, musique électronique, EDM, rock progressif, trance, pop, néo-soul (à la Jordan Rakei), musique du monde (notamment avec des samples), drum’n’bass, reggae ou encore dub. C’est la versatilité du musicien qui donne sa force à ce premier album à l’écoute exigeante, voire éprouvante. De nombreuses collaborations parcourent l’album, principalement avec des vocalistes mais aussi des instrumentistes parmi lesquels le joueur de suling Daniel Gouly et le kavaliste Deniz Mahir Kartal.

« I Am Panda », titre éponyme qui ouvre le disque, rappelle la chute d’Alice au Pays des merveilles.
Ici il s’agirait plutôt de la chute de l’auditeur dans l’univers onirique, psychédélique de Chiminyo, fait de créations musicales rythmiques et assez picturales. Dans « Reachin’ » une mélodie parcourt le morceau, une sorte de thème qui revient pareil à de la lo-fi. Le tout entrecoupé de changements rythmiques apportant un relief enrichi par les effets sonores. Une transition subtile emmène à « Higher Together », où les instruments à cordes interprétés par Tinas Jacobs-Lim (violon et alto), Tom Oldfield (violoncelle) et Twm Dylan (contrebasse) apportent une légèreté qui signe presque la fin de la partie la plus instrumentale et expérimentale de l’album. « Breathin’ » et « Sinkin’ » sont des featurings (collaborations) ; le premier avec la chanteuse de jazz Clara Serra Lopez, le second avec le rappeur Brother Portrait.
Suit alors un solo de piano interprété par Doyle : « Into the Sunkiss ». Plutôt mélancolique, il marque une pause après sept titres qui vous tenaient en haleine. Sur « See Me », il invite le chanteur ghanéen K.O.G. et c’est à mon humble avis le meilleur titre. « Pandora » qui conclut l’album, en concentre l’essence. Mélangeant percussions, kaval, voix et effets sonores, la composition se termine dans un brouillard, comme la fin d’un rêve.
Chiminyo est un artiste qu’il faut voir autant qu’écouter. I Am Panda appelle la scène, la danse et les hurlements du public.
Un artiste qu’il ne faudra surtout pas rater lorsqu’il passera en France.