Chronique

Dancing On Roses, Dancing On Cinders

Raya Brass Band

Greg Squared (s, cl), Ben Syversen (tp), Matthew Fass (acc), Don Godwin (tu), EJ Fry (perc)

Label / Distribution : Autoproduction

Découvert en France cet été avec son trio, le trompettiste new-yorkais Ben Syversen est un musicien à suivre. Avec Cracked Vessel, premier album sous son nom, on avait pu découvrir, sous la hargne électrique, des fragrances orientales a priori étrangères à ce pur produit de Brooklyn. C’est notamment ce qui lui donnait un côté européen. Au terme d’une déduction un peu rapide, on aurait pu attribuer ce penchant au goût évident du trio pour John Zorn et le catalogue de Tzadik… Mais ce serait oublier que Brooklyn est un grand village qui peut parfois se transformer en route escarpée du cœur de la Serbie. Une route qui mènerait à Guča, au cœur de la vieille Yougoslavie, là où se déroule le festival qui réunit tous les Orkestar de la poudrière…

C’est sans surprise que l’on retrouve Syversen dans le Raya Brass Band qui propose, avec ce Dancing On Roses, Dancing On Ciders, [1] un second album pétri de culture balkanique et ponctué de morceaux traditionnels (le célèbre « Piperkovo Oro »). Le Raya Brass Band a l’énergie des fanfares tout droit sorties des films de Kusturica. L’évidente allégresse avec laquelle il joue cette musique de rue se cumule à la technique remarquable de ses membres, issus de la jeune scène underground new-yorkaise. La musique de mariages, d’enterrements… et de baptêmes, Raya étant le prénom de l’enfant d’une amie - se pare de ruptures fugaces et d’arrangements complexes signés Greg Squared (« Srpski Splet »). A la tête du quintet, ce multi-anchiste, ancien élève de George Lewis, a passé plusieurs années entre Balkans et Espagne à observer et collecter le patrimoine gitan et tzigane, ce qui a considérablement modifié son approche musicale. Ainsi, sur un traditionnel comme « Mélochrino » sa sonorité très pincée évoque-t-elle par instants le duduk ou le kaval.

Il serait cependant réducteur de ranger le Raya Brass Band dans la catégorie des orchestres traditionnels. Avec « Djevadov Čoček » ou le très beau « Čuček Na Suda », l’orchestre insuffle, grâce à sa base rythmique (le percussionniste EJ Fry et le tubiste Don Godwin), un groove ravageur qui rappelle les fanfares les plus funk de la Nouvelle-Orléans. Godwin, notamment, joue beaucoup de sousaphone, dans la plus pure tradition New Orleans, quand c’est plutôt le tuba contrebasse en si bémol qu’on retrouve dans les orkestar serbes. C’est cet entre-deux, ce dialogue entre traditions respectueuses, qui fonde cette musique joviale et très festive. En quelques années, ce Brass Band s’est forgé à Brooklyn une image de joyeux dynamiteur. Il est temps que sa musique fasse danser l’Europe sur des cendres et des roses.

par Franpi Barriaux // Publié le 6 février 2012

[1L’album est disponible ici et l’on peut voir une vidéo récente ici.