Chronique

Daniel Goyone

French Keys

Daniel Goyone (comp, p), Thierry Bonneaux (vib, perc).

Label / Distribution : Music Box Publishing

On ne saurait mieux dire… Le dix-huitième et ultime titre de ce très beau disque s’intitule « Évi-Danse ». Au-delà du jeu de mots – celui-ci n’est pas un cas isolé, puisqu’il est question par ailleurs de « Vert Mer » ou « Ainsi soient îles », sans oublier le titre du disque lui-même – c’est bien en effet l’idée d’une évidence qui prédomine à l’écoute de French Keys, douzième album [1] du pianiste compositeur Daniel Goyone. Une évidence tant mélodique que rythmique, nourrie d’influences multiples et ici affirmée dans le contexte harmonieux d’un duo formé avec le vibraphoniste percussionniste Thierry Bonneaux. Pour mémoire, rappelons qu’on avait déjà pu entendre ce dernier à ses côtés sur Étranges manèges (2004) et Goyone Blues (2014).

Daniel Goyone a tourné de longues et belles pages de musique depuis une quarantaine d’années. Ses collaborations, nombreuses, lui ont permis de travailler avec des musiciens tels que Trilok Gurtu, Richard Galliano, Laurent Dehors, David Linx, David Venitucci, Daniel Mille… sans oublier Claude Nougaro, à compter de la période Nougayork à la fin des années 80. Voilà un compositeur inspiré, un pianiste ouvert aux musiques du monde, latino-américaines notamment, en prise aussi bien avec le jazz qu’avec la musique française du XXe siècle. Il est aussi un pédagogue avisé qui a publié plusieurs livres, autour du rythme, de la composition et de l’improvisation.

Le livret du CD donne à lire une petite histoire à travers laquelle chacun des titres du disque est cité. C’est un texte apocryphe, sans nul doute. Mais ce qu’il dit est avant toute chose le témoignage de l’enchantement que distillent deux musiciens dont la complicité saute aux oreilles. French Keys a des allures de promenade amoureuse, une ballade qui vous embarque sans réserve possible. On a beau être virtuose et œuvrer à une écriture bien plus complexe qu’il n’y paraît, quoi de plus difficile en effet que de capter l’attention comme le fait le duo, de vous accrocher à coups de mélodies qui frappent juste et pourraient être les illustrations de contes, entre rêve et voyage ? Daniel Goyone et Thierry Bonneaux relèvent ce défi avec une élégance dont French Keys ne se départit jamais. Surtout, ils semblent détachés des modes et, ainsi que le souligne le pianiste, ils veulent amener l’auditeur à « une indépendance d’esprit et une pratique soutenue dans le temps, toutes choses souvent peu conciliables avec certains impératifs actuels ». Ici, nulle urgence, aucun impératif de performance. Juste le sentiment d’exister et de vivre au cœur de la musique.

par Denis Desassis // Publié le 24 février 2019
P.-S. :

[1Depuis Daniel Goyone en 1982.