Chronique

Pierre de Bethmann Quartet

Credo

Pierre de Bethmann (p, synth), David El Malek (ts), Simon Tailleu (b), Antoine Paganotti (dms).

Label / Distribution : Aléa

La décennie qui vient de s’écouler aura été des plus prolifiques pour Pierre de Bethmann. Qu’on en juge, du seul point de vue discographique : trois albums en Médium Ensemble (Sisyphe, Exo, Todhe Todhe), cinq Essais (Volumes 1, 2, 3, 4 et 5) en trio, sans oublier une vaste opération de mise à jour par la réédition de ses premiers disques (Ilium, Complexe, Oui, Cubique, Go) sur son label, Aléa. Un beau chantier et sans plus attendre, profitant de l’élan donné par une telle entreprise, deux albums enregistrés en deux jours au mois de février dernier. Credo en est le premier volet, qui voit le pianiste revenir à sa formule en quartet. Si le saxophone ténor toujours très habité de David El Malek est fidèle au rendez-vous – au point qu’on finit par l’imaginer indissociable de l’univers de son leader – la rythmique trouve une nouvelle dynamique, déjà éprouvée à l’occasion de quelques concerts, avec Simon Tailleu (contrebasse) et Antoine Paganotti (batterie). Une belle équipe pour un disque de la conjugaison des énergies.

Ce qu’on aime avant tout chez le pianiste (qui s’empare aussi parfois, ici, d’un synthétiseur), c’est une capacité assez singulière d’échafauder un répertoire complexe, qu’on pourrait qualifier de savant, sans jamais perdre de vue la notion de groove ni une sensibilité mélodique qui affleure à chaque instant. Pour dire les choses en deux mots, on parlera volontiers d’écriture charnelle. En cinq compositions disposant du temps nécessaire à l’exposition de la parole collective comme des interventions individuelles (leur durée varie de 7 à 11 minutes), Credo vient nous rappeler que le jazz est une langue vivante, en mouvement constant, où à tout moment peut survenir un inattendu aux couleurs éclatantes qui viendra se frictionner comme par jeu aux bords du cadre fixé. Ici, l’improvisation et son incertitude ne sont pas un passage obligé, ni même une convention, ils sont partie prenante de l’histoire que chaque musicien raconte et qui nous tient constamment en haleine. Ce que démontre la composition « Credo Ergo Sum ». Croire en cette musique pour être en vie. Mais cette jubilation collective peut aller parfois de pair avec une forme de recueillement : ainsi « Choral » en conclusion du disque. Le temps semble suspendu, la musique devient contemplation. On pense alors au disque Travelling de David El Malek en l’écoutant. C’est la même retenue, le même désir de regarder vers le haut.

L’aventure de Pierre de Bethmann continue, et son histoire est un enchantement.