Chronique

David Bressat Trio + Eric Prost

Soleil caché

David Bressat (p), Florent Nisse (cb), Charles Clayette (dr), Eric Prost (sax)

Label / Distribution : Autoproduction

Il y avait eu les deux volets de French Connection, éloge rendu à toute la chanson française qui élevait des chansons de Brassens, Serge Lama ou Claude François au rang de standards sur lesquels le trio discourait à merveille. Après deux ans de silence et de travail, David Bressat revient avec un Soleil caché à la fois prolongement et rupture. Cette fois, le pianiste se dévoile davantage, paradoxalement à ce que laisse entendre le titre ; laissant là le patrimoine, il propose une dizaine de compositions personnelles, des thèmes tout en finesse, construits et joués avec mesure, où l’on retrouve cet art du trio qu’il renouvelle depuis plusieurs années, escorté comme à l’habitude de Charles Clayette (dont on note la frappe méticuleuse, attentive à toujours suggérer, à ne jamais déborder) et Florent Nisse (cb). Légèreté du jeu, entrecroisement savant du piano et de la contrebasse à la résonance stricte - voir cette « Attente » aux accents doux et recueillis ou cette « Vague » aux sonorités cristallines.

Cette fois, Bressat délaisse Dutronc et Nougaro et cède à son fort penchant pour d’autres compositeurs français influents mais plus anciens, Debussy et Ravel - dont on retrouve la « Pavane pour une infante défunte » réarrangée par Florent Nisse. Histoire de brouiller tout de même les pistes, le trio a invité, comme sur le précédent album, un saxophone. Exit Marcus Strickland, c’est Eric Prost qui vient lui donner la réplique avec, sur quelques thèmes, un jeu éthéré, à la limite de la méditation. Pour le pianiste, leader naturel de cette formation, ce renfort, qui pourrait limiter sa partie à un simple soutien, est au contraire l’occasion (trop belle) de s’aventurer dans d’autres voies, distillant de fines courbes musicales au gré de l’inspiration et des volutes du sax.

Mais, loin de se limiter à ce retour aux sources, l’album collectionne des atmosphères très différentes d’un morceau à l’autre, voire en métamorphosant telle pièce au gré de son traitement. Ainsi cette « Chevauchée », qui trompe admirablement son monde : entrée en matière débonnaire de Prost avant que le quartet ne sonne l’heure de la récréation en remettant en cause la tranquillité de départ. A l’inverse, rien de plus calme que cette « Attente », dialogue attentionné entre piano et contrebasse développé sur un tempo lent, à peine marqué par Clayette : une jolie pièce qui respire le calme et le silence, pas un accent plus fort que l’autre, digressions continues, finissant en une sonate apaisée. Ainsi va-t-on tout au long de l’album, de contraste en contraste, heures du jour, heures de la nuit : on sera frappé par les accents faussement déstructurés, façon Monk, de ce « Chuck » inattendu survenant après des « Arabesques pour Claude » qui nous font presque entrer dans le boudoir de Debussy.