Scènes

Jazz à Vienne 6/7/10 : Carlinhos Brown

Le premier cyclone tropical


Le chanteur de Bahia met les 6 000 spectateurs de Vienne dans sa poche en distillant une heure et demie durant une musique toute en tablas massifs et rythmes accrocheurs.

Un show fou, continu, hors normes, sans limites. Avec au centre Carlinhos Brown, qui vit la scène comme il respire et se l’approprie en trois enjambées.

On était encore sous le coup de son précédent passage à Jazz à Vienne : déjà l’homme de Bahia avait ravi le cœur du public, plongeant dedans, physiquement, sans la moindre retenue, avec un enthousiasme juvénile et communicatif. Il semblait donc difficile de faire mieux. Ces craintes étaient vaines. Il a suffi de quelques secondes pour que Carlinhos 1er ravive les braises et les transforme en torchère. En deux mesures, trois tablas et quatre refrains chaloupés, c’est gagné. Jouant tantôt au maître à chanter ou danser, tantôt au prof de gym ou au GO façon Club Med’ grande époque - avant de mimer l’ange intercesseur prosterné devant la statue de Notre-Dame du Pipet (qui surplombe le Théâtre), d’emblée le grand gaillard met les choses au point. Si Carlinhos était, lors de son précédent passage, roi ou empereur, cette fois, coiffé d’une longue parure encadrant un visage étonnamment expressif [1], il est carrément assis à la droite du Père.

De ritournelles en nouvelles chansons, plus quelques thèmes parmi les plus familiers de son répertoire, le chanteur chauffe peu à peu le public pour l’amener au point de fusion. A gauche. A droite. Levez les bras… pour un peu, il lui ferait faire le tour de la ville. Il y a bien dans tout cela un peu de caricature, de facilité de part et d’autre, et d’insouciance estivale. Mais cela ne doit pas faire oublier que le show est avant tout parfaitement en place, qu’il coule de source et que, derrière l’artiste, se tient une pléiade de musiciens qui ont eux aussi leur mot à dire. Parmi eux, les trois percussionnistes, bermudas et petits chapeaux, semblent suivre le chanteur comme son ombre et sont aussi responsables de la tornade sonore. Un public en joie, dansant comme rarement, tendant les bras au ciel comme le demande le maître de cérémonie, refuse que le show s’interrompe. La photo ne peut qu’être belle. Et de fait, loin de chasser les photographes de la fosse (comme le demandent de plus en plus d’artistes mégalos), Carlinhos Brown les convie à le rejoindre sur scène et à fixer pour l’éternité cet instant de grand délire ! Ils n’en croient ni leurs yeux, ni leurs objectifs. Mémorable.

Mart’nalia : une voix chaude et vibrante

En première partie, soirée Brésil oblige, Mart’nalia, pourtant bien entourée, ne pouvait bien sûr que rester en-deçà de ce registre. Outre un volume sonore moindre, la jeune femme et les musiciens qui l’entourent démarrent en douceur, prenant le temps d’égrener des chansons signées par grands noms de la samba brésilienne. Tout sourire, multipliant les contrastes d’une composition à l’autre, interpellant le public qui se masse, Mart’nalia a quelque peine à occuper la vaste scène. Pourtant la voix de la chanteuse est chaude et vibrante, les rythmes et les interventions des musiciens excellents, et les chansons juste assez familières pour donner envie de les fredonner. Ainsi une jolie composition de Veloso interprétée avec feeling. Manque juste ce petit rien qu’on va retrouver quelques instants plus tard.

par Jean-Claude Pennec // Publié le 7 juillet 2010

[1Il ne s’agit pas d’un artifice : Brown de Bahia a prévenu qu’il voulait un show collectif où le public serait largement mis à contribution (avec accent brésilien SVP).