Chronique

David Bressat Trio

French Connection

David Bressat (p), Charles Clayette (drms), Florent Nisse (cb)

Il n’y a pas meilleur matériau qu’un standard pour apprécier la capacité de réinvention d’un musicien… Fort de cette certitude, et de son talent, David Bressat livre French Connection. Douze pièces exécutées en trio – avec Charles Clayette (drs), Florent Nisse (cb) - piochées, comme son nom l’indique, dans le patrimoine français, voire franchouillard. Bressat s’attelle ainsi au Requiem de Fauré, à l’Arabesque de Debussy, et à quelques pièces très légitimes de Gainsbourg ou de Michel Legrand. Au passage, il rappelle qu’avant de prospérer outre-Atlantique, « Autumn Leaves », quintessence du standard, a surtout été « Les feuilles mortes » de Joseph Kosma. Enfin, histoire de pousser un peu plus loin son bouchon, il tire par la main une vraie rengaine (air qui entre par une oreille et ne ressort plus) de Claude François (« Alexandrie, Alexandra »), lui ôte ses Claudettes, mais lui conserve son tempo martelé.

Résultat : l’album se régénère en permanence au fil de musiques dont on découvre des charmes anodins ou jusqu’ici passés sous silence. Le pianiste en profite pour édulcorer son propos. A quoi tient l’équilibre réussi d’un trio ? Une façon d’épauler les autres en toute discrétion, comme dans une filature de polar ? C’est ici souvent le cas. On connaissait le jeu « juste » de David Bressat. Ici, il se débarrasse un peu plus de ces images toutes faites, de ces redites convenues qui annoncent que la source est en passe de se tarir. Ici, il ne cesse de nuancer, de se dématérialiser pour atteindre la légèreté de l’être. Et, excepté quelques passages où l’insistance se fait superflue, où la batterie gagnerait à calmer le jeu plutôt qu’à l’exciter, par peur du vide peut-être, l’ensemble atteint une rare cohérence musicale. « L’eau à la bouche » (Gainsbourg) étincelle. D’un bout à l’autre. Bressat y démontre une qualité rare : suggérer en laissant à l’auditeur le soin de reconstituer le puzzle. On se prend au jeu - comment le trio va-t-il se sortir de ce standard, ou de tel autre qu’il décide de triturer ? Parfois, on est dans l’« honnête » ou la bonne facture. Mais souvent, on atteint le surprenant. Pour s’en convaincre, rendez-vous aux ultimes mesures de « You Must Believe in Spring ». Michel Legrand avait montré le chemin. Le trio poursuit la quête du grand compositeur de façon réjouissante. Bref, on l’a deviné, Bressat imprime ici sa marque et révèle une exigence annonçant sans doute d’autres big moments.

par Jean-Claude Pennec // Publié le 24 novembre 2008
P.-S. :

Enregistré les 14, 15 et 16 mai 2008, au Studio 109. Dispo à la FNAC ou sur le site