Scènes

Les Nuits de Fourvière : Bryan Ferry (25 juillet 2011)


De l’art de mêler le neuf et le vieux, les jeunes et les plus anciens, et de marier chansons récentes et tubes plus « roxydés ». S’il manque un brin de nervosité ou de grands effets scéniques, le show du sexagénaire, bien entouré de musiciens, choristes et danseuses, séduit de bout en bout.


Tournée mondiale (via la Russie, les Etats-Unis et le Chili), grands moyens… Ils sont quatorze sur scène, dont quatre choristes et deux danseuses toniques, histoire d’agrémenter un show tout de même menacé par l’immobilisme. Par ailleurs, Bryan Ferry applique avec bonheur l’un des principes majeurs de l’aéronautique, la redondance : tout ou presque est redoublé sur scène, de la batterie aux guitares, des claviers aux choristes et danseuses, en passant par… lui-même (en avant-scène au micro, et sur l’écran géant qui « zoome » en permanence). Soit une quinzaine de personnes pour effeuiller Roxy Music sans pour autant en faire une fixation. Musique léchée, travaillée. Mélange de quelques chansons récentes et de vieux tubes aurifiés. Avec, toujours, une diction attentionnée, une voix constante, éminemment reconnaissable, une mise soignée,- et la mèche à peine désordonnée ; un savant cocktail de retenue et de décontraction.

L’assistance, plutôt dans la tranche d’âge du chanteur, collabore sagement. Tous les grands succès y sont. Ou à peu près tous. Les deux ou trois manquants seront pour le rappel. On démarre vite par « I Put A Spell on you », qui se fond dans « Slave to Love », puis « Don’t Stop The Dance » laisse la place à quelques thèmes empruntés à Dylan (« Just Like Tom Thumb’s Blues »). Ferry alterne ballades et morceaux plus rythmés (« Make You Feel My Love ») puis s’oriente de plus en plus vers Avalon, fait un détour par « Love is the Drug » (Siren) et, au rappel, régale l’assistance avec « Let’s Stick Together » et « Jealous Guy » (Lennon), le mot de la fin. Le tout sans jamais vraiment s’écarter de la prise originale.
Un peu trop « pelote qu’on dévide » ? Certes, mais Bryan Ferry sait donner à son concert des rythmes variés en passant du morceau le plus orthogonal, sur-marqué par deux batteries, à des vocaux plus diffus qui font tendre l’oreille. Le lieu (le théâtre romain de Fourvière, à Lyon), se prête particulièrement à ce concert soigné, malgré le vent frais et la pluie qui menace. Du « malaise » rapporté par la presse ce printemps, il ne reste, semble-t-il, qu’une écharpe qui couvre la gorge de Bryan Ferry. Et cette retenue plus sensible qu’à l’habitude.

Le public est ravi malgré la pluie fine. Le concert pourrait basculer dans la stricte nostalgie ; il n’en est rien, notamment parce que l’artiste fait une large part aux chansons récentes et qu’à côté de ses quelques musiciens confirmés, Brian Ferry associe quelques bleus dont, à la lead guitar, Oliver Thompson, caché derrière ses mèches blondes - à peine 23 ans et pourtant depuis cinq ans à ses côtés - Tara Ferry, qui partage les drums avec le très sûr Andy Newmark, et une certaine Jorja Chalmers, sax et claviers, qui se fond parfaitement dans son univers. Pas de passage de relais, donc, mais plutôt une tranquille coexistence, bien orchestrée par un chanteur qui ne redoute pas le temps qui passe et, surtout, ne cherche pas le salut dans un quelconque « jeunisme ».

À l’évidence, embarqué dans une longue tournée et portant bien ses 65 ans, Bryan Ferry compte plus sur sa musique et sa belle équipe que sur son jeu de scène pour conquérir le public. Mais n’exagérons rien : s’il est peu mobile, il tient parfaitement le centre du show et parvient à le colorer de cette saveur tranquille qui le caractérise.