Chronique

David Linx

Rock My Boat

David Linx (voc), Rh. Scott (org), A. Ceccarelli (dm), Lenine (voc), Nguyen Lê (g), P. Fresu (bugle), J. Lourau (ts et ss), S. Houben (fl et as), S. Krakaowski (pandeiro), T. Karefa (voc), Ch. Wallemme (b), G. Barcena (voc), cuivres arr.par L. Cugny (1, 3) : C. Egéa (tp), D. Zimmermann (tb), P.-O. Govin (as et bs)

Label / Distribution : Naive

David Linx nous a procuré de nombreux bonheurs. On ne peut que le remercier du fond du cœur - ce cœur qui bat au rythme de sa voix à la fois étrange et désormais familière. Peut-être est-ce lui qui a le plus innové en matière de jazz vocal depuis le début des années 80, qui marquent le début de sa carrière. D’ailleurs, il a reçu entre-temps toutes les récompenses possibles et imaginables.

Peut-être parce qu’il connaît parfaitement l’histoire du jazz, David Linx a mené à bien maints projets et emprunté divers chemins musicaux, le plus souvent avec bonheur, des poèmes de James Baldwin - un disque qui demeure une référence (1986) - ou des duos avec le pianiste Diederik Wissels, jusqu’à ce Rock my Boat.

Comme toujours le casting est de haute volée. Rhoda Scott et André Ceccarelli constituent la « cheville ouvrière » de groupes à géométrie variable où l’on retrouve des musiciens aussi prestigieux – mais surtout remarquables – que Nguyen Lê, Paolo Fresu, Julien Lourau ou Claude Egéa. Linx étant donc un habitué (et surtout un passionné) des duos, on trouve aussi ici un échange avec le chanteur brésilien Lenine.

Sur le morceau-titre, qui ouvre l’album, Lourau et Linx démarrent à cent à l’heure. Ce jazz, ce groove, cette énergie et ce swing ne sont qu’une introduction en fanfare, mais on ne résiste pas à tant d’emportement. Toutefois, on aurait tort de s’attendre à ce que le reste soit à l’avenant - ce serait pourtant mal connaître Linx, qui s’aventure plus volontiers dans des contrées sereines (le tempo de « A Quiet Place » est, à cet égard, exemplairement lent). Il peut même faire le crooner (« Childhood ») émouvant, une de ses particularités étant d’être à la fois irréprochable technicien et interprète délicat, puis retrouver le swing (le temps d’un « Foolkiller »), scatter a capella avant de nous enchanter sur un tempo soudain revivifié (« Even Make It Up ») ou « écrire » les paysages étranges de « Where Rivers Join » ou de « Yesternow ».
David Linx peut mille choses…

Mais c’est peut-être là que le bât blesse, justement. L’unité de principe est pourtant présente ; on peut bien, pendant une heure, se partager entre les chants qui naissent de l’âme et y demeurent, d’une part et, d’autre part des musiques qui poussent à battre la mesure ou des mélodies qui balancent entre introspection et expression. Le jazz, multiple et ouvert, a tous ces pouvoirs . Ce n’est pas une découverte.
Ce qui gêne ici, c’est que finalement, à passer sans cesse d’une formule à l’autre, et face à tant de pistes à parcourir, on reste un peu sur sa faim. Et « On The Other Side » et la trompette inspirée de Paolo Fresu concluent de façon lumineuse un disque paradoxalement frustrant car un peu trop vaste, un peu trop hétérogène.

par Michel Arcens // Publié le 21 novembre 2011
P.-S. :

David Linx sera en concert le 25 novembre 2011 au New Morning (Paris)