Chronique

Doko

Ikebana

Gregor Siedl (ts, cl, fx, keyb, elec), Nicolas Chkifi (dms, fx, elec, perc)

Label / Distribution : El Negocito Records

L’ikebana est l’art ancestral d’agencer les fleurs coupées au Japon. Une ode à la simplicité et à la rigueur. Si Ikebana est le titre du second album de Doko (qui veut dire en japonais, mais c’est accessoire), il y a fort à parier que les fleurs en questions sont issues de cactus, ou de roses trémières particulièrement retorses. Voire de fleurs carnivores suppurant de sève toxique. En bref, tout pour plaire à un amateur de noise pas trop porté sur le lys et la marguerite ; on en connaît.

Duo belge constitué du saxophoniste Gregor Siedl et du batteur Nicolas Chkifi, Doko fait dans la fleur rare et rugueuse, avec toute l’acidité des sons électroniques que Siedl fait provenir d’instrument distordus : saxophones passés par toutes sortes de filtres, clarinettes planantes et sons vintage volontairement agressifs, quand la voix ne s’en mêle pas, elle-même percluse d’effets. C’est ce qui nous accueille dans « Cattail I », sorte de punk 8-bits mâtiné d’un breakbeat de labour bien emmené par Chkifi. A mesure que le disque avance, on perçoit le groove fiévreux et psychotrope du duo, notamment dans le turbulent « Wild Indigo » qui bataille sec entre les deux artistes, Siedl dévoilant soudain un son de saxophone presque pur et vraisemblablement dans une colère noire. Bien que les couleurs environnantes soient davantage chatoyantes.

Il ne faudrait pas imaginer cependant que ce disque paru chez El Negocito Records soit sans finesse. Certes, le propos est hérissé d’épines. Il y a néanmoins des instants, notamment lorsque le batteur fourbit ses percussions face à une voix d’outre-tombe dans « Switchwort », où Doko prend son temps pour installer une atmosphère qui n’appartient qu’à eux. Elle peut être suffocante ou glaciale, voire tenant du cartoon (« Go to Bed at Noon »), mais elle n’est jamais tiède et toujours inventive. Il y a certes des filiations, dans l’expérimentation, le free ou le krautrock, mais aussi une volonté de faire feu de tout bois dans ces miniatures instantanées qu’on picore comme des bonbons. Faut dire que les fleurs, c’est périssable…

par Franpi Barriaux // Publié le 1er mars 2020
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