Chronique

Five in Orbit

Tribulus Terrestris

Ramon Fossati (tb), Olivier Brandily (as), Laurent Bronner (p), Luc Isenmann (dms)

Label / Distribution : Fresh Sound Records

Si l’on devait résumer en quelques mots le propos du quintet franco-catalan Five in Orbit, il faudrait se saisir de la métaphore exposée sur la pochette de leur album Tribulus Terrestris, dessinée par Marcel.lí Antúnez Roca : un animal fantasmagorique, doté de tout les attributs sexuels en même temps. Un dragon à bouche humaine qui aurait un corps de poisson. Un joyeux mélange qui paraît farfelu au premier abord mais s’avère bien proportionné. Une légende montée de toutes pièces par le tromboniste Ramon Fossati et sa bande. Elle mélange allègrement rudesse mingusienne, folie suggérée par Roland Kirk dans l’alto d’Olivier Brandily et free intermittent dans les sombres recoins de « The Night Of Dead Cats » où le piano de Laurent Bronner converse avec la batterie explosive de Luc Isenmann.

Il y a une belle dynamique collective dans ce troisième album de l’orchestre. Les musiciens sont rompus à de nombreux terrains, qu’il arpentent avec un sens du syncrétisme et de l’efficacité qui témoigne de la grande plasticité des sidemen. Lorsque sur le sucré-salé « Miel de Jacaranda », la contrebasse de Nicolas Rageau, solide socle du groupe, structure à l’archet le tango primesautier du trombone, on sait immédiatement que Five in Orbit sait négocier toutes sortes de trajectoires avec la jubilation de ceux qui retrouvent leur chemin les yeux fermés. Même lorsque l’on pense que la musique pourrait sombrer dans une sorte de facilité à force de décontraction, le piano semi-préparé de Bronner sait réveiller une forme d’irrévérence, à l’image du bien nommé « Tricks », où Fossati et Brandily tentent d’enserrer un piano furtif et malicieux.

Tribulus Terrestris, c’est le nom latin d’une plante médicinale à qui l’on prête diverses vigoureuses vertus (aphrodisiaques, cardiaques, musculaires, etc.). C’est aussi un végétal hérissé de piquants qui est paraît-il capable de crever un pneu. Solide, sauvage et salutaire ? Des qualificatifs qui vont bien à Fossati et sa bande, piochant avec une gourmandise certaine dans une tradition qui se veut sage mais ne le sera jamais vraiment. Une belle définition du jazz, finalement.