Chronique

Ané - Boisseau - Oliva - Toorop - Mondot

Memento

Dominique Ané (voix, g), Sébastien Boisseau (b), Stéphan Oliva (p, Würlitzer), Sacha Toorop (dms), Jean-François Mondot (textes).

Label / Distribution : La Buissonne / Harmonia Mundi

Le critique de jazz Jean-François Mondot, qu’on peut lire notamment dans Jazz Magazine, déclare son amour à l’écriture de Patrick Modiano à travers une douzaine de textes inspirés (dans les deux sens du terme) de ses romans. Il en confie la mise en musique au plus littéraire des chanteurs français actuels, Dominique A (ici sous son vrai nom Dominique Ané), lui même grand admirateur de l’écrivain.

On trouve dans les deux univers, celui de Modiano comme d’Ané, et dans la transversalité de Mondot, de nombreuses similarités, à tel point que l’ensemble pourrait aisément constituer un disque du second. La précision des mots et l’attention à quelques tournures simples mais porteuses de sens dessinent ainsi des portraits, de femmes notamment, et des scènes mélancoliques traitées par transparence. Portées par la voix droite et sobrement incarnée du chanteur, elles sont sobrement habillées par la contrebasse de Sébastien Boisseau et le piano de Stéphan Oliva.

Car c’est là que, sans être du tout un disque de jazz, ce projet vient flirter avec lui. Le bassiste participe au dernier disque en date du chanteur et le pianiste a coparticipé à un projet BD voici trois ans (J’aurais voulu faire de la bande dessinée). Basse, piano et la batterie tout en délicatesse de Sacha Toorop, batteur historique de Dominique A, complètent avec une sensualité feutrée l’évocation de cet univers.

Rien ne se détache réellement de cet ensemble de titres. Il faut, de même que dans la lecture des romans de Modiano, s’ouvrir à une grande disponibilité pour se laisser alors envahir par un état de grâce, une suspension du temps passé qu’on évoque et qui nous échappe aussitôt. Chaque geste a pourtant sa place, même le plus infime, chaque intention touche au but sans impact mais avec un sens de la justesse qui, au bout du compte, assimilé par le travail de la mémoire et le délicat travail du quartet, touche au cœur.

par Nicolas Dourlhès // Publié le 12 mai 2024
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