Chronique

Oliva Boisseau

Hubble Dreams

Stéphan Oliva (p), Sébastien Boisseau (b).

Label / Distribution : Vision Fugitive

C’est une œuvre de commande, mais lorsque l’ordre donné ouvre les possibles plutôt que de restreindre les libertés, il s’avère bénéfique. Après de longues années de collaboration, deux disques en trio au côté de Tom Rainey, et dernièrement avec le chanteur Dominique A, le pianiste Stéphan Oliva et le bassiste Sébastien Boisseau entrent seuls en studio à la demande (donc) des producteurs Philippe Ghielmetti et Stéphane Oskéritzian avec l’obligation de ne pas savoir ce qu’ils vont y jouer. Charge à eux de se laisser aller à l’improvisation.

Durant trois séances de quarante-cinq minutes chacune, ils s’élancent sans idée préconçue, avec le seul jaillissement de la musique coulant de leurs doigts. Dans un second temps, les musiciens et leurs « producteurs » sélectionnent les moments aboutis, la plupart brefs ou plutôt extraits, semble-t-il, d’un développement plus long qu’il n’était pas nécessaire de faire figurer, puis les organisent suivant ce qui constituera le répertoire du disque.

Avec Hubble Dreams, cependant, nous ne sommes pas confrontés à la rugosité de la musique improvisée, mais plutôt à des pièces qui semblent avoir été écrites en amont, tant le rapport entre les deux instruments, comme l’harmonie des phrases jouées, sont équilibrés. Jouant sur la ligne bleutée d’un jazz introspectif et celle d’une écriture plus intellectualisée, savante pour tout dire, mais spontanée, les deux partenaires font le jeu d’un dialogue sensible et intelligent.

Cela étant, outre les quatre titres empruntés à d’autres (Tony Williams, Ornette Coleman, Neil Young notamment) qui leur ont été imposés en dernière minute par leurs « producteurs », c’est dans l’approche globale qu’il faut appréhender le programme. Les miniatures de jazz vif, capturées et organisées en une suite de quinze pistes, sont à la fois une plongée dans une pensée bicéphale en mouvement et le dévoilement pudique d’un imaginaire partagé et de tout un monde qui, s’il ne nous donne à entendre que des fragments fulgurants, nous en délivre toute la saveur. Et le goût d’y revenir de nombreuses fois.