Chronique

Dz’ob

The Playground

Vasyl Starshynov (ob), Oleskii Starshynov (bsn), Iryna Li (vln), Oleskii Badin (cello), Maksym Andrukh (dm).

Label / Distribution : Auto Productions

« Un dansait dans un rêve sans fin,
Deux créèrent un univers de sable,
Trois apprirent au chewing-gum à ruser,
Quatre tombèrent amoureux du sourire du pigeon,
Cinq avaient un caillou de compagnie qui chantait et pleurait,
Six dévoraient les avalanches dans le seigle ».

Ce sont à peu près les seules informations que nous fournit la pochette du nouvel album de Dz’ob. L’intérieur nous renseignera tout de même sur le nom des musiciens et leurs instruments, mais nous laissera le soin d’imaginer quels peuvent être les titres des six compositions gravées sur cette mystérieuse galette.

Le quintet est né il y a dix ans à Dnipro dans l’est de l’Ukraine. A priori un simili orchestre de chambre : un hautbois, un basson, un violon, un violoncelle et une batterie. Mais, pour qui a fait l’impasse sur les quatre premiers albums de Dz’ob, les trente premières secondes de musique ont de quoi dérouter au point de se demander si le fabricant n’a pas interverti les fichiers audios de deux clients [1] : de l’électro pure et dure ! Probable facétie des deux compositeurs, Maksym Andrukh et Oleskii Badin qui d’emblée nous plongent dans leur propos : combiner la tradition de la musique classique avec une approche électronique contemporaine.

The Playground est un disque court, un petit joyau qui s’amuse à brouiller les repères en bousculant les rôles traditionnellement dévolus à des instruments bien plus anciens que la musique que leur font jouer les cinq ukrainiens. Le basson se fait basse électrique, le hautbois copine avec les sons de synthèse tandis que le sixième membre du groupe, le logiciel Live Ableton, prend toute sa place, voire un peu plus, mais sans jamais écraser ses collègues, les êtres vivants.

On sent une parenté avec l’IDM (intelligent dance music [2]), le drum’n’bass et le lyrisme répétitif du minimalisme américain actuel (avec cependant un amour de la rupture). Si on est bien dans une musique simple à écouter, elle n’a rien de simpliste. Les structures, les harmonies, les cellules rythmiques regorgent de surprises raffinées.

Avec The Playground, Dz’ob nous offre une musique innovante et dansante qui cultive résolument son petit brin d’étrangeté, une musique pleine de couleurs chaudes et de vie, une vraie gageure dans le champs des musiques électroacoustiques.

par Hélène Gant // Publié le 5 janvier 2025
P.-S. :

[1Cela arrive : j’ai subi le traumatisme d’acheter un CD de Keith Jarrett qui, à l’écoute, s’est avéré être un album de Supertramp.

[2À titre d’illustration, il ne viendrait à l’idée de personne de classer Martin Solveig dans cette catégorie.