Chronique

Edouard Ferlet

Filigrane

Edouard Ferlet (p, comp), Airelle Besson (tp, voc), Alexandra Grimal (sax, voc) Fabrice Moreau (dm, voc, compositions)

Label / Distribution : Melisse

Pour son label Mélisse, Edouard Ferlet a choisi l’originalité, la distinction et une certaine élégance, à la fois sur le contenant (pochette) et le contenu de chaque album. En l’occurrence le noir et le blanc seuls, et des silhouettes - celles des musiciens - déjà en filigrane, mot auquel peut s’appliquer ici une de ses acceptions : « ouvrage de joaillerie fait de fil de cuivre entrelacé et soudé ». Car il y a de cela dans ces huit compositions dont les titres ne sont pas anodins, Edouard Ferlet n’hésitant pas, dans sa conception d’une oeuvre, à s’approcher des franges du mystère, de l’inattendu, quand ce n’est pas de l’insolite (ici, l’absence de contrebasse qui induit, dit-il, un mode de jeu inhabituel).

Ferlet connaît parfaitement le jazz, la musique classique et celle dite contemporaine, et déclare admirer l’œuvre d’Henri Dutilleux, apprécier les modes de Messiaen et l’art des couleurs de Charles Koechlin ; tout cela se retrouve en filigrane dans ses propres œuvres et modes d’interprétation.
On est constamment sous le charme (sortilège) de ces alliances (qui sont des combinaisons) - et non alliages (amalgames) - à travers une écriture épurée et dense à la fois, de doux embrasements et vigoureux embrassements entre thèmes et timbres (« La fable du grimoire », « Amane »), ces souples lianes sonores, cette façon de vouloir étreindre l’imperceptible, l’insondable, au cours de promenades souvent d’allure guillerette (« Sans titre apparent ») ou de balades plus troublantes sur des chemins détournés (« Salamandre »).

L’apport des présences féminines ? À noter la pureté de la sonorité d’Airelle Besson et la concision de son phrasé, la gracieuse volubilité d’Alexandra Grimal au soprano. Que dire des deux hommes, sinon que nous connaissons déjà le niveau élevé de leur talent ?… [1]

Nous savons depuis Kant que « La musique est la langue des émotions » ; j’ajouterais que la musique, c’est (aussi) le silence réalisé comme un rêve. Avec ce disque, Edouard Ferlet offre, à sa manière, une nouvelle clef pour ouvrir tout grand la porte des songes, et celle des mirages aussi.

par Jacques Chesnel // Publié le 29 novembre 2009

[1(Précision qui a son importance : la séance d’enregistrement s’est faite dans une même pièce, sans séparation d’instrument et sans casque.