Chronique

Enrico Pieranunzi / Federico Casagrande

Double Circle

Enrico Pieranunzi (p), Federico Casagrande (g).

Label / Distribution : CamJazz/Harmonia Mundi

Querelle des anciens et des modernes ? Non. Conflit de générations ? Non plus. Bataille d’egos ? Encore moins : ce « double cercle » montre plutôt une immense complicité entre ces deux Italiens installés hors de leur pays depuis longtemps.

On ne présente plus l’aîné, Enrico Pieranunzi, 65 ans et presque autant d’enregistrements - dont un Live At The Village Vanguard avec Marc Johnson et Paul Motian en 2013, des interprétations remarquables de Scarlatti, Haendel ou Bach, et des échanges avec Phil Woods, Chet Baker, Charlie Haden, Billy Higgins, Lee Konitz ou Paul Motian tout au long de ses quarante ans de carrière.

Quarante ans, ce n’est même pas l’âge de Federico Casagrande qui, passé par le Berklee College of Music, figure déjà sur une dizaine de disques (notamment avec le saxophoniste Christophe Panzani et le batteur Gautier Garrigue), et qui est bien capté par les radars jazzistiques nationaux depuis At The End Of The Day, l’an dernier, avec Vincent Courtois, Vincent Peirani et Michele Rabbia.

S’entourant, s’enveloppant et se contournant sans cesse l’un l’autre, l’ancien et le « jeunot » livrent onze titres lumineux (cinq du pianiste, trois du guitariste, deux écrits ensemble et le classique « Beija Flor ») au fil desquels le plaisir de l’écoute est permanent. Évitant l’écueil de la démonstration technique, ils progressent en commun au rythme de leur inspiration mélodique et harmonique. Celle-ci éclate sur le titre introductif « Anne Blomster Sang » - garantie de bonne humeur dès le matin au réveil - ou sur « Within The House Of Night » (qu’on trouvait sur le Permutation de Pieranunzi, avec Scott Colley et Antonio Sanchez (2012). « Dangerous Paths » (Casagrande), sonne comme un miroir de « Critical Path » (également sur « Permutation »), et une grande quiétude se dégage de « Clear ». Deux petites audaces sonores se font jour dans les très courts « Sector 1 » et « Sector 2 ». Le duo conclut par un bel hommage à Charlie Haden sur une pièce éponyme.

La musique circule, fluide et souple. Les quatre mains courent sur les touches et les cordes en un mouvement perpétuel de réponses et de relances, créant une musique qui s’adresse directement aux oreilles et au cœur, sans artifice ni superflu. Du raffinement, de la délicatesse mais jamais de mièvrerie, jamais d’ennui.