Chronique

Federico Casagrande

At The End of The Day

Federico Casagrande (g), Vincent Courtois (cello), Vincent Peirani (acc), Michele Rabbia (perc, fx, elec)

Label / Distribution : CamJazz/Harmonia Mundi

Installé en France depuis de nombreuses années, Federico Casagrande est un de ces musiciens qui parcourent l’Europe en quête de rencontres ; c’est ainsi qu’on l’a vu aux côté de Roberto Negro (Loving Suite pour Birdy So), ou avec le saxophoniste Christophe Panzani dans le trio à géométrie variable The Drops. Entre poésie et énergie, son jeu sonde l’âme avec un goût affirmé pour les atmosphères contemplatives. C’était tout le sens de son trio « Spirit of The Mountain », avec le batteur Németh Ferenc et le contrebassiste Stefano Senni. Une atmosphère qui perdure, et s’est même raffinée avec At The End of The Day, son deuxième album en leader pour le label CamJazz après The Ancient Battle of the Invisible (2012).

Conçu au départ comme un solo, ce disque est l’occasion de rencontres fugaces et éthérées avec trois musiciens à la personnalité très marquée tels le violoncelliste Vincent Courtois et l’accordéoniste Vincent Peirani. Leur intervention n’est pas permanente ; parfois même, elle est à peine suggérée. Certes, le dialogue entre l’archet de Courtois et les arpèges de Casagrande sur le gracile « So Clear You Speak » est évident, tout comme le voile onirique qui cerne « Some More, Please », quand la guitare préparée aux cordes parfois sourdes vient chercher un écho persistant dans les replis aigus du soufflet de l’accordéon. Mais souvent on devine un murmure, une présence fantomatique dont Casagrande est à la fois le metteur en scène et le coloriste, bien aidé en cela par le percussionniste et électronicien Michele Rabbia, discret designer de l’univers intime de son hôte.

Entièrement interprété à la guitare acoustique, At The End of The Day insiste sur la proximité charnelle des doigts avec le bois et les cordes, voire du souffle du guitariste. L’enregistrement, réalisé au plus proche de l’instrument, fait corps avec le musicien. Mais cette impression crépusculaire, propice à la rêverie, qui tourmente l’auditeur dès « Once Upon A Time », provient des timbres qu’instille Rabbia. Sons cristallins, artefacts électroniques ou encore poussières bruitistes flottent dans l’air sans devenir agressifs. Cela donne au propos un certain relief, peu éloigné parfois des paysages de la Canterbury Music. C’est au centre de l’album, sur le mouvementé « Can You See it ? » que la collaboration entre les deux Italiens est la plus intriquée. L’électronique assaille, en compagnie du violoncelle, une guitare retranchée sur ses tâches rythmiques. Ce morceau court et intense, indique une direction plus ténébreuse que, souhaitons-le, Casagrande pourrait explorer à l’avenir. En attendant, la porte de son puissant imaginaire nous est très largement ouverte par ce disque singulier et attirant.