Chronique

Eric Harding

Deadline

Eric Harding (piano), Frank Lozano (saxophones ténor et soprano), Ron Séguin (basse), Michel Lambert (batterie)

Label / Distribution : Effendi Records / Abeille

Pilier du Bernard Primeau Jazz Ensemble (l’équivalent local des Jazz Messengers de Blakey) où il
s’illustre depuis déjà des années, Eric Harding est assurément l’un des pianistes les plus en vue du
jazz québécois d’aujourd’hui. Son toucher léger et ses tendances méditatives qui n’excluent
cependant pas un swing assuré, le classent à l’instar de bon nombre de ses contemporains dans la
lignée du Bill Evans des années 60-70, ce que confirme dès les premières mesures sa composition
« Ched’s Waltz », première plage de l’album. Pour ce premier CD sous son nom, Harding s’est
entouré de vieux compagnons d’armes avec qui l’entente est manifestement parfaite. Au
programme : une douzaine de plages, la plupart des compositions de l’un ou l’autre membre du
combo, un standard signé par le prolifique auteur du thème de The Pink Panther Henry Mancini
(« Days of Wine of Roses ») et une pièce due à la plume de ce grand pianiste mésestimé qu’est
Larry Willis (« To Wisdom The Prize »).
Tant sur les ballades que sur les morceaux plus rythmés, les musiciens du quartette livrent ici des
performances inspirées et inspirantes. Outre le jeu impeccable du pianiste et leader, tout en
nuances et en finesses, il faut souligner l’apport de tout premier plan de l’omniprésent Frank
Lozano, qui s’affiche de plus en plus comme une valeur sûre parmi les saxophonistes montréalais.
D’ailleurs, ses pairs ne s’y trompent guère puisque nombreux sont-ils à solliciter sa collaboration
pour des projets divers. Lui aussi diplômé de l’« académie Primeau », cet ancien élève de Pat
Barbera semble avoir joué avec tout le monde en ville : Yves Léveillée, Ron Séguin, le groupe
Avalon, le big band Altsys Orchestra et j’en passe. Ses influences sont certes évidentes (au ténor,
la décontraction d’un Lester Young ou d’un Stan Getz alliée à une propension toute coltranienne à
la débâcle sonore ; au soprano, un soupçon de Wayne Shorter), mais celles-ci sont pleinement
assumées, et même soulignées à l’occasion par des clins d’œil enjoués. À n’en pas douter, Lozano
a dépassé le stade de l’imitation servile de ses mentors. Cela étant dit, je m’en voudrais de
donner l’impression de sous-estimer les contributions essentielles du bassiste vétéran Ron Séguin
et du batteur Michel Lambert, qui assurent à l’ensemble une belle cohésion et un dynamisme
rythmique nécessaire à l’ambiance post-bop du fort agréable baptême de feu de la formation.