Chronique

Terence Blanchard

Let’s Get Lost

Terence Blanchard (tp), Brice Winston (ts), Edward Simon (p), Derek Nievergelt (b), Eric Harland (d). Les invitées : Diana Krall (p, voc), Jane Monheit, Dianne Reeves et Cassandra Wilson (voc).

Label / Distribution : Columbia Jazz / Sony

Hier jeune détenteur d’un diplôme de Messenger de l’université Art Blakey, Blanchard partage aujourd’hui son temps entre la composition de trames sonores hollywoodiennes et des projets avec son combo. Son CD Wandering Moon lui a valu l’an dernier un tour du chapeau au vox populi de Downbeat : meilleur album, meilleur trompettiste et jazzman de l’année. Sur Let’s Get Lost, il explore le répertoire de Jimmy McHugh, auteur d’un bon nombre de standards fréquentés par les légendes du jazz, d’Armstrong à Coltrane. Pour l’occasion, quatre chanteuses se joignent tour à tour au groupe de Blanchard, en l’occurrence les valeurs sûres que sont Reeves et Wilson ainsi que Krall, chanteuse de jazz la plus populaire de l’heure, et l’étoile montante Monheit. On apprécie la finesse des arrangements, qui allient précision et décontraction, rigueur et liberté. Trompettiste à la technique irréprochable, manifestement influencé par Clifford Brown, Blanchard se reconnaît à cette rondeur du son, cette plénitude, cette suavité, même à pavillon ouvert dans le registre aigu. Capable de bien des audaces techniques, il ne pêche pas par excès l’académisme et, surtout, ne néglige pas ce p’tit côté canaille, que l’on associe volontiers à New Orleans. Avec les membres de son combo, il forme un quintet fort d’une belle cohésion dont cependant seul lui se démarque vraiment dans ses soli, merveilleux d’équilibre et de gouaille.

Que dire des invitées ? Diva repue de ses succès, Krall déçoit sur la pièce éponyme, qu’elle interprète sur le pilote automatique. Le choix de Monheit pour défendre Too Young to Go Steady fait sourire mais la sirène aux boucles brunes semble davantage à son aise sur I Can’t Give You Anything But Love. Fidèle à elle-même, Wilson déconstruit langoureusement Don’t Blame Me et On the Sunny Side of the Street en y investissant ces accents de blues dont elle a le secret. Véritable star de l’album, Reeves ensorcelle avec ses relectures d’I Can’t Believe That You’re in Love With Me (assaisonnée d’une pincée de bossa nova) et, surtout, de Can’t Get Out of This Mood (classique de son idole Sarah Vaughan, à qui elle rendait justement hommage sur son plus récent CD).