Chronique

Eric Séva

Folklores imaginaires

Eric Séva (saxophones baryton et sopranino), Patrice Héral (perc, voc, électronique), Olivier Louvel (g, saz, bouzouki, balalaïka), Daniel Yvinec (b), Didier Malherbe (doudouk), Benoît Widemann (moog), Idriss Boudrioua (as, voc)

Label / Distribution : Le Chant du Monde

Etrange alliance que celle des saxophones baryton et sopranino ; c’est pourtant pour ces deux instruments qu’Eric Séva, actuel saxophoniste de l’ONJ de Franck Tortiller, a écrit le répertoire de son premier disque en leader. Deux instruments aux frontières du royaume des saxophones : l’un, le sopranino, se situe aux confins des aigus, tandis que l’autre règne sur les basses. Eric Séva maîtrise l’un comme l’autre, parvenant à tirer une douceur et une chaleur inhabituelles du baryton, tout comme une justesse irréprochable du sopranino pourtant réputé si difficile à jouer juste.

Ces Folklores Imaginaires sont ceux du musicien, issus à la fois de son histoire personnelle et des différentes rencontres musicales ayant croisé un jour ou l’autre sa route éclectique. On y entend des compositions très mélodiques, jamais très éloignées d’un jazz encore synonyme de musique à danser. Par ailleurs, une certaine originalité et un certain exotisme sont également présents sur tout l’album, d’une part grâce à l’écriture elle-même, et d’autre part grâce au choix des instruments, ces deux aspects restant indissociablement liés.

Ainsi, les deux saxophones évoqués sont relativement peu utilisés dans le répertoire jazz. De ce fait, le compositeur s’extrait naturellement des sentiers battus de l’écriture pour sax. Et le choix de mêler sopranino et baryton, parfois dans un même morceau - comme la pièce titre de l’album -, renforce encore le sentiment qu’Eric Séva parvient à extraire l’identité la plus profonde de ses deux saxophones.

Cette originalité instrumentale ne se limite pas au leader : les autres membres du quartet, à l’exception de Daniel Yvinec qui ne quitte pas la contrebasse, utilisent eux aussi plusieurs instruments. Olivier Louvel en particulier, qui alterne entre une guitare électro-acoustique et les trois cousins que sont le saz turc, la balalaïka russe et le bouzouki grec. Là encore, la composition pour l’un ou l’autre de ces instruments à cordes est très différente et contribue à donner à ce disque un son, une couleur musicale inouies, littéralement.

Les percussions, effets électroniques et interventions vocales de Patrice Héral, lui aussi membre de l’ONJ Tortiller, contribuent à cette atmosphère unique, tout comme la présence de quelques invités : Didier Malherbe (au doudouk), musicien qui n’a de cesse de traquer les musiques du monde avec son Hadouk Trio, ou Benoît Widemann (Magma, etc) avec une improvisation de Moog placée avec humour au sein d’un tango apparemment des plus classiques.

Au final, il suffit d’une écoute pour être entraîné par la fluidité des mélodies et la richesse sonore de ce disque, mais bien d’autres seront nécessaires pour découvrir toutes les facettes et influences de ces superbes compositions.