Chronique

Éric Séva Triple Roots

Résonances

Éric Séva (ts, ss), Kevin Reveyrand (elb), Jean-Luc Di Fraya (perc, voc).

Label / Distribution : Laborie Jazz

C’est à l’évidence un disque voyageur qu’Éric Séva – autrefois membre de l’Orchestre National de Jazz dans la seconde moitié des années 2000, mais aussi partenaire de quelques grands noms tels que Didier Lockwood, Michel Legrand, Sylvain Luc ou David Krakauer, sans oublier le trop méconnu Paga Group qu’avait formé le bassiste de Magma Bernard Paganotti – vient nous livrer avec un trio baptisé Triple Roots, ajoutant ainsi un nouveau chapitre à une discographie qui s’est bien enrichie au cours de la période récente : ce fut en effet Nomade sonore en 2015, puis Body & Blues en 2017, Mother Of Pearl en 2020 et aujourd’hui Résonances. Disque voyageur en effet, qui met le cap sur un pays enchanté, celui des mélodies qui chantent et racontent des histoires exposées en pleine lumière.

Aux côtés du saxophoniste évoluent deux musiciens sensibles qui parlent le même langage à forte teneur mélodique et prisent autant que le leader cet art de la conversation qui fait le jazz : c’est d’abord le batteur vocaliste Jean-Luc Di Fraya, qu’on a pu remarquer par ses collaborations avec Perrine Mansuy, Raphaël Imbert ou au sein du Hadouk Quartet (avec Didier Malherbe, Eric Löhrer et Loy Ehrlich). C’est également Kevin Reveyrand, bassiste tout aussi capé, non seulement du fait de son rôle de sideman auprès de musiciens prestigieux tels que Billy Cobham, Mike Stern ou Nguyên Lê, mais également parce qu’il a déjà publié trois albums en son nom, dont le tout récent Todos Juntos chez Assaï/Socadisc, où s’illustre un certain… Jean-Luc Di Fraya. Un disque qu’on pourra d’ailleurs écouter à la suite de Résonances tant il vibre des mêmes élans mélodiques, portés en particulier par l’accordéon de Christophe Lampedicchia.

La réussite de Triple Roots tient, comme on s’en doute, aux talents respectifs et conjugués de ses membres – ils ont en commun la faculté de laisser libre cours à leur imagination sans jamais se laisser déborder par un excès de démonstration – mais elle est nourrie avant tout par leur complicité, la volonté de maintenir un équilibre entre les forces en présence (ici, on ne tire pas la couverture à soi) et la convergence de leurs démarches, vers un chant qui s’offre à la façon d’une longue respiration. Il y a quelque chose de naturel dans leur association : la musique s’écoule paisiblement, aussi bien dans ses moments écrits que lorsque vient le temps de l’improvisation. Ce trio élégant réunit les conditions propices à l’élaboration d’une musique sans frontières, d’essence populaire, dont les couleurs limpides traduisent en outre un besoin d’épure. Plus que jamais lyrique, Éric Séva s’éprend une fois encore de liberté tout en pensant collectif. Il vient rappeler au passage qu’il est l’un des saxophonistes les plus attachants de sa génération, au ténor comme au soprano. Résonances s’avère au bout du compte une porte d’entrée parfaite pour le vérifier s’il en était besoin. On feuillettera avec le plus grand plaisir ce carnet de route d’une longue histoire ou plutôt de toutes ces histoires de jazz et autres musiques du monde, qui n’en reste pas moins accessible à toutes les oreilles, profanes incluses, dans un désir de partage revendiqué par les trois musiciens.