Scènes

Festival des Lundis d’Hortense 2004

Compte rendu de la deuxième journée du festival, le 6 mars 2004


Les Lundis d’Hortense est l’association regroupant les musiciens de jazz belges des deux côtés de la frontière linguistique. Au-delà d’actions régulières telles que des tournées et la publication d’un journal trimestriel, les Lundis organisent chaque année quelques manifestations coups d’éclat : le festival, mais aussi la dernière journée du Brussels Jazz Marathon et un stage d’été pour musiciens. Comme d’habitude, l’association profite des multiples salles du Jardin Botanique à Bruxelles pour alterner vétérans et jeunes, et conclure la soirée en jam-session. Le festival est aussi l’occasion pour les musiciens de présenter des projets récemment enregistrés, les labels de présenter leurs catalogues et Jos L. Knaepen d’exposer quelques-unes de ses photographies.

La première journée, à laquelle je n’ai pu assister, a présenté les groupes de Bart Defoort, Jef Neve et Marco Locurcio.

Peter Hertmans © Jos L. Knaepen

La deuxième journée a débuté avec le trio du guitariste Peter Hertmans accompagné du bassiste Sal LaRocca et du batteur Bruno Castellucci. Celui-ci propose une fusion légère et atmosphérique qui avance lentement et prend le temps de développer chaque texture, bien servie par les cymbales sombres et résonantes de Castellucci. Pour les trois derniers morceaux, le trio devient un sextette avec l’ajout de trois jeunes musiciens : le trompettiste Tim De Jonghe, le tromboniste Drée Peremans et le saxophoniste Steven Delanoye. Hertmans se met à la guitare acoustique pour un « What Is… » hispanisant. C’est lors du solo de De Jonghe sur le morceau suivant que l’intensité atteint son zénith : après quelques phrases bop, le trompettiste trouve ses marques et fait montre d’un excellent sens du groove, entre Miles Davis période Jack Johnson et Freddie Hubbard, qui entraîne tout le groupe dans un rythme rock puissant.

Robin Verheyen © Jos L. Knaepen

A 20 ans, le saxophoniste Robin Verheyen fait déjà beaucoup parler de lui depuis quelque temps. Le concert de son trio ne fait que confirmer les espoirs placés en lui. Accompagné délicatement par le bassiste Martijn Van Buel et Toon Van Dionant à la batterie, Verheyen alterne alto et soprano (il me semble qu’il joue également du ténor). Il démontre une grande technique dans les phrases rapides à s’emmêler les doigts, mais aussi d’une grande intelligence musicale : il ne cherche pas à éblouir à tout prix, mais à construire une expression cohérente. Sur sa composition « New Quartet », Verheyen prend un solo d’une douceur attrayante avant de durcir son son et de terminer sur une citation de « Giant Steps ». Sur la ballade suivante, même quand le tempo est doublé et que ses phrases se font véloces, sa sonorité reste moelleuse : une combinaison des plus plaisantes. Par ailleurs, il intègre de belle manière des harmonies étranges qui rappellent Wayne Shorter, une influence clairement affichée. Quelques heures plus tard, pendant la jam session dans les caves du Botanique, Verheyen sonnera comme Charlie Parker.

Diederik Wissels © Jos L. Knaepen

Le festival se termine avec le nouveau projet world music du pianiste Diederik Wissels. Un groupe all-star et international (Minino Garay à la batterie, Olivier Ker Ourio à l’harmonica, Kathy Adam au violoncelle, Olivier Louvel aux guitares et saz, Christophe Wallemme à la basse et la chanteuse Fay Claassen sur quelques morceaux) au service d’une musique très arrangée qui place la recherche mélodique et les atmosphères méditatives au premier plan. Dépaysant par certains côtés : le Moyen Orient dans le violoncelle et le saz ; surprenant par d’autres : la réussite inattendue de la combinaison harmonica-violoncelle. Pourtant, quelque chose ne prend pas. Suramplification (particulièrement de l’harmonica et des guitares), solos brimés par les arrangements, peu de relief audible : la beauté de ces longs morceaux s’estompe et se mue en lassitude : on a l’impression qu’il ne s’y passe rien.