Chronique

Maak’s Spirit

Al Majmaâ

Laurent Blondiau (tp), Jeroen Van Herzeele (ts), Michel Massot (tb, tba), Jean-Yves Evrard (g), Otti Van Der Werf (el b), Eric Thielemans (d), Baba Sissoko (tamani, n’goni), Maalem Abdelmajid Domnati, Miloud El Hrizi, Abdenedi Alami, Abdellah Harroch, Ahmed Gdirou, Jamal Namir (perc, voc)

Label / Distribution : Igloo

Dans l’article et le livre célèbres intitulés The Clash of Civilizations, Samuel Huntington transforme les conflits idéologiques de la guerre froide en conflits (en France, on dirait « fractures ») culturelles irréductibles et immuables. Parmi les sept cultures qu’il désigne, on retient, évidemment, au vu de la tournure que prend le XXIè siècle, l’occidentale et la musulmane comme étant en conflit inévitable. Pourtant, c’est feindre d’ignorer les constructions sociale et historique des divisions entre les hommes, qui se font et se défont sur plusieurs fronts.

Contrairement à Huntington, d’autres voient les possibilités de rapprochement, les prônent et les réalisent : sur Al Majmaâ, les choeurs marocains du Gnawa Express se mélangent au soufflants belges de Maak’s Spirit, la guitare de Jean-Yves Evrard se marie aux cordes de Baba Sissoko, les percussions enveloppent et amplifient le groove de la batterie et de la basse électrique, le tout dans un esprit de fête déchaînée et irrésistible.

En jouant quelques morceaux gnawas traditionnels, c’est tout le melting-pot que les musiciens nous refont, avec en plus la joie d’être ensemble et d’apporter chacun des contributions différentes et compatibles. D’ailleurs, on le constate sur la photo du livret : les robes flamboyantes des uns sont alignées à côté des tee-shirts des autres pour saluer le même public. Du coup, plus d’exotisme, plus aucune « pseudo-révérence » confinant l’autre dans le rôle du faire-valoir. Il ne reste qu’une musique unie, sautillante, puissante et fraîche.

Aux côtés des arrangements de chants gnawas, notons le « Nalu » de Sissoko, un moment de calme et de respiration, un « Statismes » qui met en avant le côté le plus improvisé et désarticulé de Maak’s Spirit, et « Yassin’s Tune » du leader Laurent Blondiau, qui clôt l’album dans une ambiance chauffée à blanc. Quand le symbole politique est porté par une musique aussi bonne, cela donne de l’énergie pour refaire le monde…