Chronique

Franck Amsallem

On Second Thought

Franck Amsallem (p), Tim Ries (as, ss), Johannes Weidenmuller (b), Marc Miralta (d).

Label / Distribution : Naive

Franck Amsallem, pianiste français expatrié à New York, nous livre ici l’enregistrement d’un concert de 1998 à Montpellier lors d’une tournée estivale.

Dès le premier morceau, On second thought, on sent le swing brûlant, des torrents d’énergie et de générosité, bref comme une petite fièvre qui nous gagne. Tim Ries sait obtenir de son soprano les accents coltraniens qui font mouche tandis qu’Amsallem distille un jeu très percussif à l’image de Miralta, prompt à gifler ses cymbales. On savoure, puis on enchaîne sur Chanson Triste, un morceau qui se déploie en prenant tout son temps, installant des jeux d’interaction sonore très réussis (premier plan/arrière plan) entre les instruments. Les parties de duettistes piano/batterie puis piano/basse sont d’une justesse rare et Tim Ries sait où et quand intervenir sans bouleverser la magie qui s’opère. On sent l’ivresse du live s’enfoncer dans l’impalpable moiteur de la nuit méridionale.

Etonnamment, les thèmes ne sont pas là pour se détacher, mais un prétexte à jouer, à se laisser emporter par la musique. Sur Thirty two more bars to go, indeed, aux faux airs de Forest Flower (de Charles Lloyd avec qui Amsallem a joué), on passe sans anicroche du velours le plus moelleux au drive le plus charpenté qui soit. Epatant.

Même si Amsallem donne leur meilleur de lui-même sur After, il ne cherche pas à capter l’attention. Ce n’est pas le jeu de soliste qui prime ici – à la différence de certains jeunes prodiges (Meldhau, Carrothers) – mais bien le jeu collectif très maîtrisé.

And Keep this place in Mind for a better one is hard to find (quel titre !), emprunte autant à Keith Jarrett époque Redman/Haden/Motian qu’il donne dans le libre-échange expérimental. Le vrai mystère de cet album est Tim Ries, dont on ne sait trop quoi penser. Tantôt coltranien, tantôt garbarekien (Chanson Triste), on peut aussi regretter ses élans aguicheurs façon jazz-FM sur le swinguant Affreusement Vôtre.

Ce quatuor encore méconnu préfère visiblement le chant au cri, et signe là un disque de passion plus que de révolte ou de réflexion, faisant au passage un pied de nez aux tendances actuelles. On ne peut qu’être séduit.