Chronique

Frédéric Borey

The Option

Frédéric Borey (ts), Camelia Ben Naceur (p, fender), Stefano Lucchini (dm), Florent Nisse (b), Inbar Fridman (g) + Yoann Loustalot (tp), Mickael Ballue (tb)

Label / Distribution : Fresh Sound Records

Frédéric Borey n’est pas un inconnu : on l’avait découvert avec son précédent disque, Lines, et on avait été totalement séduit par le son qu’il tirait de son ténor. Comment pourrait-il en être autrement, d’ailleurs ? Le Bordelais n’en est pas à son coup d’essai, mais à son cinquième album (le troisième sur le label Fresh Sound). Le titre singulier de celui-ci s’explique-t-il par l’étape décisive que représente pour ce saxophoniste l’installation à Paris, en septembre 2012, afin d’y vivre une certaine émulation et d’être « là où ça se passe » ?
Quoi qu’il en soit sa formation aussi a changé : la pianiste Camelia Ben Naceur, qui pratique aussi le Fender Rhodes avec talent, est restée vivre dans le Sud-ouest, et lui a conseillé la guitariste Inbar Fridman qui vit en Israël, mais le projet, pour des raisons de disponibilité et de mobilité géographique, tourne avec une équipe parisienne composée selon le cas des guitaristes Pierre Perchaud et Michael Felberbaum et des pianistes Paul Lay et Vincent Bourgeyx.

Borey a maintes expériences à son actif ; il a notamment fait partie d’un orchestre de douze saxophones (du sopranino au sax basse) jouant des transcriptions de Bach mais aime aussi jouer en trio (Unitrio Saxx, par exemple) avec orgue Hammond et batterie, car il apprécie la fusion des couleurs. Mais le ténor, dont il entend parfaitement le timbre de chaque note, a sa préférence. De plus, la découverte de Jerry Bergonzi et de Joe Henderson a été capitale pour lui.
La preuve ? La dernière pièce, « Olinka », ballade amoureuse, authentique bonheur pour les amateurs. Ils s’y retrouvent en effet au cœur même de la planète jazz, ce monde qui les a toujours enchantés. Au petit jeu des références, on perdrait à coup sûr car ce saxophoniste est manifestement un passionné de l’instrument et a retenu la leçon de ses maîtres. Borey exerce un pouvoir quasi hypnotique, non pas parce qu’il joue des phrases inouïes, mais parce que justement, il réveille en nous une nostalgie perçante et délicieuse, tout ce qui fait qu’on aime le saxophone. Et ceci, d’autant plus que le rapport de la mélodie et de l’harmonie est une de ses principales préoccupations. Il joue ici du soprano sur « The Option », revient à l’alto (son instrument pendant ses études classiques), sur « Still Raining » (il a flashé sur le thème de « Blues Cruise » de Chris Cheek sur l’album éponyme chez Fresh Sound New Talent.

Invités sur « My Home » and « Earth Complains », ballade langoureuse s’il en est, le trompettiste-bugliste Yoann Loustalot et le tromboniste Michael Ballue occupent une place non négligeable dans la formation ainsi élargie. Tous sont au service de compositions à la rigueur classique, établissant une chorégraphie entre soufflants formidables, rythmique fougueuse (dont le batteur Stefano Lucchini, discrètement efficace) et guitariste aux délicats et subtils entrelacs.
On l’aura compris, l’orchestration est soignée et il en résulte une formation aux précieux alliages qui nous emportent dès le premier titre, mais surtout avec « Lo zio », où le groupe se déchaîne sous l’impulsion Camelia Ben Naceur.

Les voix s’élèvent avec bonheur et complicité, harmonisant la lisibilité d’un ensemble tout en finesse et demi-teinte. Cet album très jazz, d’une simplicité apparente et, de l’aveu même de son auteur, sans recherche d’effets virtuoses, est une authentique déclaration d’amour à cette musique ; on ne peut y rester insensible. De grandes qualités qui jouent en faveur d’un album décidément convaincant.